Georges de Beauregard

Beauregard, Georges, Charles, Edgar, Denis, Marie, Nau de, agriculteur, publiciste et homme politique français, né à Alès (Gard) le 19 février 1854*, décédé à Paris le 22 janvier 1919.

Docteur en droit, membre fondateur de la Ligue des Patriotes, maire du Blanc (Indre) depuis 1892, Beauregard dirigeait depuis mars 1891, L’Indépendant du Blanc, qu’il avait créé, « organe démocratique de l’Appel au Peuple ». Le 10 novembre 1894, à la nouvelle de l’arrestation de Dreyfus, il publia un article, dans lequel, sans s’embarrasser de la présomption d’innocence que garantit le droit, il posait les termes de ce qu’allait son combat tout au long de l’Affaire :

Le crime de lèse-patrie qu’a commis le capitaine juif Dreyfus, attaché à l’état-major, en livrant aux Italiens et aux Allemands des documents concernant la mobilisation, attire de nouveau l’attention publique sur la race à laquelle il appartient. Nous n’avons pas à rechercher les motifs auxquels a obéi ce Sémite, en trahissant la France, en livrant les noms de ses camarades à l’étranger, mais nous n’admettrons jamais comme excuse la jalousie qu’il ressentait de ses. collègues, ou le désir d’aider au relèvement de la fortune de sa famille.
Des plaidoyers en sa faveur ne font que mieux ressortir toute son infamie et si on veut lui trouver à tout prix une circonstance atténuante, qu’on la cherche dans son origine.
Il est juif, c’est tout dire.
La responsabilité de cette trahison incombe toute entière au gouvernement, qui au lieu de placer dans les rangs de l’état-major des hommes sûrs, de vrais Français, admet comme partout d’ailleurs, de misérables sémites.
S’il y a une faveur à accorder, un honneur à rendre, on est sûr que le juif arrivera partout et en tout, toujours bon premier.
Sans recourir à l’histoire ancienne et au souvenir du Ghetto, l’histoire moderne nous dépeint suffisamment le juif sous toutes les couleurs.
La patrie, il n’en a point ; son dieu, c’est l’argent.
[…] Drainer l’or de la France, l’accaparer à leur profit, telle est leur maxime.
[…] C’est en France principalement que le juif a tout accaparé. Il est le maître absolu de notre marché industriel et commercial, il est à la tête de toutes nos administrations.
[…] II appartient à la vraie République, c’est-à-dire à celle des ouvriers et des paysans, de remettre les choses en place, de faire, rendre gorge aux exploiteurs et de purger le sol Français d’une race qui la ruine, l’exploite, la déshonore et qui après avoir mis la France en coupe réglée, ne songe, comme l’a fait Dreyfus, qu’à la vendre à l’étranger. (« Le Juif et la France »).

S’il n’écrivit plus sur la question pendant les semaines qui suivirent, se contentant de reprendre tous les ragots mensongers que véhiculait la presse parisienne, Beauregard, élu au conseiller général en octobre 1896, reprit la plume en décembre 1896, après que la famille avait tenté de relancer l’Affaire, pour s’en prendre à Bernard Lazare qui venait de publier son premier mémoire en défense :

L’outrecuidance juive dépasse les bornes.
Depuis quelque temps Paris est inondé de camelots, présentant sous toutes les formes l’innocence du capitaine Dreyfus, et réclamant dans des opuscules la révision du procès de l’officier traître à l’honneur et à son pays.
La bande de youpins qui infecte la capitale a trouvé un homme qui s’est attelé a cette dégoûtante besogne.
Il est naturellement juif et a nom Bernard Lazare.
Combien a-t-il reçu de ses congénères, personne ne le sait, mais on peut affirmer, à la lecture de ses écrits qu’il gagne consciencieusement son argent, et qu’il était tout indiqué pour le rôle qu’on en attendait.
Il a commencé par dénigrer notre ami Drumont, qui a traité comme il le méritait ce rastaquouère cosmopolite.
Puis Drumont ne suffisant plus à ses exploits, il s’est rabattu sur Dreyfus dont il a entrepris la réhabilitation.
Tâche ardue s’il en fut !
Pour arriver à son but tout lui est bon et il excelle à frapper par des récits imaginaires l’opinion publique.
Il s’attaque, à ce que nous avons de plus cher : à l’armée, dans la personne du conseil de guerre et du ministre d’alors, le général Mercier.
Il récuse les témoins, et fait passer pour détraqué l’expert en écritures Bertillon qui avait conclu à la culpabilité de Dreyfus.
Quant aux officiers qui ont eu le triste privilège de juger l’homme qui avait déshonoré l’uniforme qu’il portait et son titre de français, ce sont aux yeux de Bernard Lazare des hommes de parti qui ont obéi à un mot d’ordre et transigé avec leur  conscience.
Le huis clos même est critiqué par le défenseur du traître qui aurait voulu jeter aux quatre coins du monde nos secrets militaires et achever ainsi l’œuvre néfaste entreprise par Dreyfus.
A son avis tout a été comédie dans ce procès célèbre où le salut de la patrie était en jeu ; et où d’après lui on s’acharnait sur Dreyfus uniquement par ce qu’il était juif.
Malgré les cris d’orfraie de Bernard Lazare alimentés par la caisse juive, ce dernier ne donnera pas le change à l’opinion publique.
La boue que ses écrits cherchent à lancer à la tête de nos officiers retombera sur son visage et fera la preuve indéniable de la culpabilité, stigmate éternel de honte et d’infamie pour la race Juive.
Le gouvernement ne tolère pas avec raison, les excitations à la haine des citoyens les uns contre les autres, et les insultes à l’armée.
Comment se fait-il alors qu’il autorise la presse juive à mettre en doute l’honorabilité d’un conseil de guerre et implicitement la sienne.
Le roi de l’or Rothschild serait-il passé roi de France, il importerait de le savoir !
Et on serait tenté de le croire en voyant tant de faiblesse d’un coté et tant d’impudence de l’autre.
Mais que les juifs ne s’y fient pas, la France se réveille.
Sous l’impulsion du Maître [Drumont], la Croisade anti-juive chaque jour forme de nouveaux adhérents, et si le gouvernement hésite à faire son devoir, le peuple, las de ce joug honteux qu’il subit depuis longtemps, saura faire le sien ! (« Les Juifs et l’armée », 13 décembre).

Élu député de l’Indre, à une très large majorité, en février 1897 et sur un programme simple (« […] combattre les injustices, les accapareurs et les juifs, et […] défendre les petits et les humbles, la famille et la société », 14 février), il revint sur l’Affaire en novembre 1897 pour dénoncer « Le syndicat Dreyfus » et son « nouveau complot qui ne tiendrait rien moins qu’à représenter le coupable comme un innocent ». Pour cela, mais surtout « parce que la juiverie a reçu un coup mortel dans cette exécution, et que sa puissance financière, qui domine tout, a sombré devant l’honneur et la justice militaire », expliquait-il, il avait « pu acheter un officier déserteur [sic] et un vice-président du Sénat ». Et il en appelait au ministre de la Guerre pour réprimer ces agissements et tout particulièrement à l’encontre de Scheurer-Kestner qui ne semblait pas plus avoir à dire qu’une conviction (« Le syndicat Dreyfus, 7 novembre).
À la Chambre, sans surprise, il vota donc, le 4 décembre suivant, le « respect de la chose jugée » et s’associa « à l’hommage rendu à l’armée par le ministre de la Guerre » (ordre du jour Lavertujon) et à la condamnation des « meneurs de la campagne odieuse entreprise pour troubler la conscience publique » (ordre du jour Habert et Richard). Dans son journal, il se réjouira de cette séance au cours de laquelle la Chambre avait montré qu’elle avait « décidé d’en finir avec cette bande de juifs dont tous les moyens étaient bons pour arriver à réhabiliter la plus grande canaille, le plus profond criminel des temps modernes : le traître Dreyfus » et où le gouvernement avait eu l’attitude qu’il fallait. Mais convaincu que cela ne saurait suffire à arrêter la campagne des partisans de Dreyfus, il demandait l’emploi de moyens plus efficaces :

Les Youpins sont de ceux qui ne désarment, jamais et, avec leur esprit de solidarité et de ténacité, il faut s’attendre encore à d’autres diffamations, à d’autres dérogations qui n’auront un terme que lorsque le gouvernement d’abord et la Chambre ensuite, seront décidés à employer des moyens efficaces pour les arrêter.
Ils consistent, tout simplement à mettre ces anti-patriotes hors la loi et à leur défendre ainsi qu’aux étrangers l’accès de toute espèce de fonctions publiques. Le jour où ce projet, de loi qui sera présenté incessamment au Parlement, sera voté et approuvé par le Sénat, on pourra dire que le véritable coup de massue aura été donné. (« Coups de massue », 12 décembre).

Cette loi, il la rédigea et en donna le détail à la presse :

Art. I : Il est interdit à tout individu d’origine juive de faire partie d’aucune administration publique.
Art. II : Tout Français, né de parents étrangers, ne pourra qu’à la seconde génération être admis à une fonction relevant du contrôle de l’État ».

Soutenu par une partie de la presse (voir par exemple : J.-B. Reygasse, « L’antisémitisme au parlement », Le Peuple français, 20 décembre), ce texte fut repoussé par Brisson, président de la Chambre, au motif pour le moins légitime que l’article premier était anticonstitutionnel (« L’antisémitisme dans le parlement », La Croix, 15 décembre 1897). Beauregard revit sa copie, plus remonté que jamais après l’acquittement d’Esterhazy et sommant le gouvernement d’avoir le courage de prendre les mesures nécessaires contre « le syndicat Dreyfus » et tout particulièrement contre Zola, Trarieux, Scheurer-Kestner et Mathieu Dreyfus.

S’il se prétend désarmé, nous sommes tous prêts à lui donner des lois qui lui permettront de sévir contre les ennemis de la Patrie.
Mais si, au contraire, il en possède et refuse d’agir, la Chambre lui montrera, par ses votes, qu’elle entend rester seule la gardienne de l’honneur national ; et que si des ministres craignent de mécontenter Rothschild, elle les remplace par d’autres.
Les Israélites ont prouvé leur audace ; le pays espère que le Gouvernement leur répondra en leur appliquant les justes lois. (16 janvier 1898).

Vraiment malchanceux, Beauregard avait prévu de revenir à la charge le 13 janvier en déposant sur le bureau de la Chambre son texte revu, demande de « mise en vigueur des  dispositions des décrets de 1806 et de 1808 concernant les juifs avec la modification suivante de l’article 16 du décret de 1808 : « Aucun juif non actuellement domicilié dans les départements frontières ne sera admis à y élire domicile ». Il avait prévu d’en demander l’urgence et avait déclaré que « si M. Brisson, sous un prétexte quelconque, lui refuse la parole, M. de Beauregard déposera immédiatement une demande d’interpellation au ministre de la guerre sur l’immixtion des juifs dans l’armée, au cours de laquelle il se propose d’établir que, de 1888 à 1898, le nombre des officiera juifs a plus que doublé » (« Informations », Le Courrier de Saône-et-Loire, 14 janvier). Après la publication du « J’Accuse… ! », il se rallia à l’avis de « ses amis » qui lui demandèrent de renoncer (« À la Chambre », La République française, 14 janvier) mais avait décidé, le lendemain, « de questionner le ministre de la guerre sur le point de savoir s’il est exact que la propriété de M. Mathieu Dreyfus, à Belfort, est, comme on l’a prétendu, installée de façon à permettre la surveillance de ce qui se passe dans un établissement militaire sis à proximité » (« Questions et interpellations », Le Sémaphore de Marseille », 15 janvier 1898). Finalement, le 17 janvier, il déposa une demande d’interpellation sur les mesures que comptait prendre le gouvernement « pour arrêter les manœuvres du syndicat Dreyfus » qui fut renvoyé à plus tard du fait de l’interpellation déposée par Cavaignac (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 18 janvier 1898, p. 75). Il avait alors écrit à Méline une lettre publiée dans son journal (23 janvier) après l’avoir donnée à insérer à La Libre Parole (« Lettre d’un député patriote », 21 janvier 1898), lettre dans laquelle il proclamait sa lutte pour « l’intérêt exclusif de la défense nationale » et y expliquait la « campagne antisémitique » à laquelle il s’associait :

[…] volontairement ou involontairement, vous vous méprenez complètement sur le mobile et le but de la campagne anti-sémitique et vous partez d’un principe diamétralement inexact en supposant que les uns ou les autres, nous sommes guidés par une conviction religieuse ou par esprit de parti.
Il ne s’agit, dans l’espèce, ni de l’une ni de l’autre, mais de mesures préventives à prendre contre un complot que vous semblez ignorer, et qui vise la sûreté de l’État.
Les preuves abondent, et j’estime que cette situation intolérable provient de la faiblesse du gouvernement vis-à-vis l’audace toujours croissante du Syndicat Dreyfus.
La situation est pourtant bien nette :
D’un côté, vous vous trouvez en présence d’une bande infime de cosmopolites qui ne reculera (elle vous l’a dit) devant rien pour faire capituler la justice militaire et obtenir la révision du procès Dreyfus.
De l’autre, vous avez les patriotes qui veulent que l’armée soit respectée et que l’agitation qui gagne tout le pays ait un terme, car elle nous déconsidère aux yeux de l’étranger.

À la suite, il expliquait que lui et ses amis tendraient « par des interpellations nombreuses, et qui ne prendront fin que le jour où le pays aura obtenu la légitime satisfaction à laquelle il a droit, à [lui] donner la faculté de [s’]expliquer clairement, et à [lui] procurer la force suffisante pour réprimer les agissements du Syndicat financier ». Et ce méliniste (voir « Bravo, Méline ! », L’Indépendant du Blanc, 24 avril 1898), finissait en demandant ai président du Conseil, du ton très légèrement menaçant du soutien qui ne le serait peut-être pas éternellement, « pour notre chère armée, qui pour nous tous est l’image de la patrie, non plus des promesses, mais des actes ».
Son interpellation vint à l’ordre du jour de la séance du 24 janvier et ce fut pour lui l’occasion de demander l’application de la loi pour réprimer les manœuvres « contre la sûreté de l’État » du « syndicat », organisation « sém[ant] l’or à pleines mains » dans le but avoué de « faire capituler la justice militaire et obtenir la révision du procès Dreyfus ». Et de déposer un ordre du jour faisant appel à « l’énergie du Gouvernement pour réprimer immédiatement la campagne dirigée par un syndicat financier contre la justice militaire et les chefs de l’armée ». Un ordre du jour qui fut repoussé au profit de l’ordre du jour pur et simple (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 25 janvier 1898, p. 171).
À la fin du mois, Beauregard, qui entre temps, le 13 janvier, avait voté l’ordre du jour de Mun demandant au gouvernement de « prendre les mesures nécessaires pour mettre fin la campagne entreprise contre l’honneur de l’armée », qui aussi avait demandé à la Chambre que le traitement du grand rabbin Zadoc Kahn fût réduit de moitié (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 22 janvier 1898, p. 142), reprocha au gouvernement, dans son journal, sa politique du silence qui aboutissait au procès Zola quand il eût pu, « d’un mot arrêter les agissements du syndicat financier inspiré par Rothschild, et qui a pour but la réhabilitation de Dreyfus ». Il eût suffi, estimait-il, de publier, tout ou partie, le rapport de Lebrun Renaud – rapport, sur les aveux, qui n’avait jamais existé –, pour marquer « la fin de la campagne juive et [pour] empêcher Zola d’insulter l’armée comme il l’a fait ». Mais surtout, il lui reprochait d’avoir commis la faute de « poursuivre devant le jury l’insulteur de l’armée, cet ex-italien naturalisé français, ce misérable Zola » :

Du jury sortira l’acquittement, car de quoi se compose le jury ? De quelques braves gens incapables de distinguer le faux du vrai, de savoir où commence et où finit l’honneur de l’armée et qui seront certainement émotionnés par la plaidoirie habile, entraînante, merveilleuse, du défenseur de Zola.
Ils subiront l’impression du moment, quitte à le regretter une fois l’arrêt rendu, mais cet arrêt sera, on suppose, l’acquittement.
[…]
Et vous, Gouvernement, vous courez au-devant d’un échec, et vous soumettez l’honneur de l’armée à un jury !
Quelle plaisanterie et quelle honte !
Est-ce que la critique de l’armée, dans la personne de ses chefs les plus honorables, les plus estimés, doit être soumise à une juridiction civile ?
Est-ce que vous pouvez laisser étaler publiquement contre elle les accusations les plus audacieuses et les plus fausses ?
Est-ce que vous pouvez laisser insulter, calomnier, diffamer par un avocat, qui voudra en donner à son client pour son argent, et qui lui en donnera d’autant plus que derrière son client se trouve la banque juive, ceux qui demain, peut-être, auront mission de mener l’armée à la frontière et de défendre la patrie ?
Et c’est vous, Gouvernement, qui une fois de plus, lorsque vous avez le devoir de les défendre, aggravez encore la situation douloureuse des chefs vis-à-vis de leurs soldats, diminuez encore l’estime et la confiance qui doivent résider en eux.
Et c’est vous, Gouvernement républicain, qui avez pour mission de représenter la France, qui laissez la nation, dans la personne de ses chefs, n’être plus qu’un amas de boue aux yeux de l’étranger, car vous ne pouvez empêcher avec le jury, les débats d’être publics. (« L’honneur de l’armée », 30 janvier).

Et à son habitude, il espérait, si devait arriver un tel malheur, que la Chambre ferait son devoir (« Zola », 6 février), un devoir dont il avait donné le détail dans une interview à La Patrie : faire voter la loi nécessaire, celle qu’il aurait dû proposer plutôt que d’accepter le procès, pour mettre « les chefs de l’armée à l’abri des insultes ou des calomnies d’une bande de cosmopolites » (Louis Berville, « Nos interview. Chez M. de Beauregard », 11 février 1898). Le lendemain, fidèle au programme fixé, et saisissant un article de Rochefort qui mettait en cause le ministre de la Guerre, Billot (« Entre les mains des traîtres », L’Intransigeant, 11 février), il déposa une nouvelle demande d’interpellation (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 13 février 1898, p. 609), qu’il retira le 24, séance lors de laquelle il se joignit à quelques députés – Clovis-Hugues et la fine fleur nationaliste (Gabriel Baron, Castelin, Cluseret, Chiché, Paulin-Méry, FrançoisLe SenneTurigny, Roche, Argeliès, LaporteGoussot, Michelin, Denis) – pour signer l’ordre du jour, écarté, qui invitait, en toute simplicité, « le Gouvernement à réprimer avec énergie l’odieuse campagne entreprise par un syndicat cosmopolite, subventionné par l’argent étranger, pour réhabiliter le traître Dreyfus condamné à l’unanimité sur le témoignage de vingt-sept officiers français et qui a avoué son crime » (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 25 février 1898, p. 836-837).
Adhérent de la Ligue antisémitique (liste des adhérents du 17 mars 1898. Arch. PP. Ba 1107), il put clore cette législature avec un dernier coup d’éclat, faisant à la Chambre, en avril, non « comme antisémite » mais comme défenseur de la « liberté individuelle », une longue interpellation au sujet de Max Régis, arrêté quelques temps avant (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 5 avril 1898, pp. 1571-1572 et 1578).
Candidat à sa propre succession aux élections de mai, il se présenta comme candidat républicain et antisémite, « ennemi des juifs qui comptent Dreyfus parmi eux » (8 mai 1898). Battu par moins de trois cents voix, « parce que les juifs envoyés de Paris, ont fait tout ce qu’ils ont pu contre moi, en argent et en distribution de brochures mensongères » (« Pourquoi j’ai été battu », 15 mai), il ne désarma pas et, hors de l’hémicycle, continua le combat. À la constitution du nouveau cabinet, il se félicita des nominations – même de celle de Lockroy qui, « quoique juif, sera un excellent ministre de la marine » –, et tout particulièrement de celle de Cavaignac, « la terreur des Dreyfusards [qui] saura faire respecter l’armée ». Seule ombre au tableau, le président du Conseil lui-même, « le sectaire Brisson, ami des Dreyfusards, complice des juifs », et auquel il promettait des attaques (« Le nouveau ministère », 3 juillet). Cavaignac fut à la hauteur de ses espérances, après son discours du 7 juillet grâce auquel « la frousse a gagné le parti des Dreyfusards » (« Les dreyfusards », 24 juillet) et Brisson à celle de son dégoût, complice à ses yeux  de la fuite de Zola, « l’insulteur de l’armée, le protecteur des Allemands, l’immonde » (« Au carcan », 30 juillet). Mais ce combat, qu’il menait dans son journal, il le mena aussi en faisant lacérer dans sa commune du Blanc, les affiches du Siècle en réponse à l’affichage du discours de Cavaignac. Dans la foulée, il envoya au journal un télégramme, adressé au « Président Syndicat Dreyfus » et ainsi rédigé : « Je fais lacérer affiches syndicat apposées sans mon autorisation ; j’agirai de même pour tout ce qui concernera la chose jugée ou de nature à troubler l’ordre public » (« Notre affichage », Le Siècle, 24 juillet 1898). Le Siècle ayant décidé de porter l’affaire en justice (comme il l’avait annoncé au moment de l’ouverture de la souscription), Beauregard envoya un nouveau télégramme identiquement adressé :

Vous annoncez dans les journaux à la solde des juifs et de l’étranger que vous me poursuivrez pour lacération affiches dirigées contre ministre guerre et armée, voici ma réponse : Les dreyfusards sont assez canailles pour dire qu’ils me poursuivront. Ils sont trop lâches pour le faire, et s’ils osent, ils ne trouveront pas un jury en France qui voudra me condamner. À bas les traîtres ! Vive l’armée ! Vive la République ! (« L’affaire Dreyfus », Le Siècle, 26 juillet).

Le Siècle releva le défi exaltant un peu plus Beauregard qui, dans son journal, pourra laisser libre cours à de nouvelles insultes (« Les dreyfusards, 21 août). L’affaire viendra en novembre, le tribunal se déclarera incompétent (« Réponse aux dreyfusards », 20 novembre), puis reviendra en juin 1899 et Beauregard sera condamné.
La découverte du « faux Henry » et la mort du faussaire, qui firent réfléchir tant d’antidreyfusards, ne changèrent bien évidemment rien pour lui :

L’affaire Dreyfus entre dans une nouvelle phase, sans pour cela que la preuve de là trahison du juif soit moins éclatante que par le passé.
Le ministre de la guerre ayant fait examiner une à une les preuves de la culpabilité du traître, a reconnu qu’un des documents dont il avait donné connaissance à la tribune, était faux.
Le lieutenant-colonel Henry s’étant reconnu coupable du fait, a été enfermé au mont Valérien, où il s’est suicidé.
Le général de Boisdeffre qui avait été induit en erreur par le colonel Henry, a par excès de susceptibilité donné sa démission de chef d’état-major, qui avec raison a été refusé par M. Cavaignac, mais néanmoins nous le constatons avec regret, est maintenue.
Le faux est postérieur de deux ans à l’affaire Dreyfus, par conséquent la culpabilité du traître reste intacte, et il n’y a aucune raison pour réclamer la révision du procès.
Dreyfus a été légitimement condamné ! il a trahi sa Patrie […].

Il en donnait comme preuve « le bordereau révélateur » et une tout fait imaginaire « correspondance intime avec Mademoiselle de X…, que le gouvernement fit voler à l’ambassade d’Allemagne ». Et tout à fait extraordinairement, après avoir parlé de documents volés à l’ambassade, il osait, pour excuser le  « silence des généraux Mercier, Billot, et de M. Cavaignac, qui ont été et qui sont ministres de la guerre », affirmer :

La divulgation des pièces volées dans une ambassade amènerait un motif de guerre avec la nation que l’ambassade représente.

Et il concluait par un tonitruant :

Par excès de patriotisme, le colonel Henry a commis une faute contre l’honneur.
Il a expié sa défaillance d’un jour.
Paix à la mémoire de ce fils du peuple, qui fut sur le champ de bataille un héros de l’armée française !
Et au moment où notre état-major, par suite d’une implacable destinée, subit momentanément, la mauvaise fortune d’avoir compté parmi ses membres un Picquart, voire même un Henry, et les assauts furieux du syndicat Dreyfus, c’est l’heure plus que jamais pour les patriotes de ne pas désespérer et de se serrer autour du ministre de la guerre, décidé à faire jusqu’au bout tout son devoir, au cri de :
Vive l’Armée ! (« Vive l’armée », 4 septembre).

Revenant la semaine suivante sur la fameuse correspondance imaginaire de Dreyfus, qui a ses yeux justifiait que son avocat n’eût pas été courant et qu’elle ne fût pas soumise à la discussion, il prenait position contre la possible révision réclamée par « la franc-maçonnerie et la juiverie, non pas au point de vue du droit de la défense, ni de l’intérêt qu’ils portent au condamné, mais uniquement parce que ces sans patrie, savent parfaitement que la révision amènera la guerre, et qu’ils profiteront, du désarroi des affaires, pour pécher en eau trouble ». Et, de plus en plus délirant, il en donnait pour preuve une nouvelle fantastique invention :

Le franc-maçon Brisson, président du conseil des ministres, savait pertinemment le jour où Cavaignac lisait à la tribune, le document fabriqué par Henry, qu’il était faux, et non seulement il n’a rien fait pour prévenir son collègue du piège dans lequel il était tombé, mais encore il soulignait par ses applaudissements cette partie magistrale du discours du ministre de la guerre.
Quand on est arrivé à ce degré d’astuce et de canaillerie, vis-à-vis d’un collègue qui était pour ainsi dire le pivot du ministère Brisson, on est capable de tout, et, on voit que nous n’avançons rien d’exagéré en prétendant que les juifs et francs-maçons sont les complices des Allemands.
En discréditant notre état-major Guillaume sait parfaitement que non seulement il décapite l’armée, mais encore qu’il ébranle le moral des troupe.
Or, comme l’état-major français lui inspirait ainsi que notre armée les craintes les plus sérieuses en cas de guerre, il s’est adressé aux sans patrie, et la main dans la main, ces misérables ont imaginé la révision pour masquer leurs projets de démembrement national.
Voici tout le secret de la révision, et ce n’est ni le général Billot, ni Cavaignac, qui me démentiront.
La révision, c’est la main et le succès de l’étranger. (« Révision », 11 septembre ; voir aussi « Les dreyfusards du Blanc » 18 septembre).

À ses yeux, Brisson, parce qu’il « était vendu au syndicat » et que « le juifs associés aux francs-maçons ont imposé au président du conseil une décision », ne s’était pas adressé aux « Chambres seules souveraines dans cette grave question » mais avait préféré saisir la Cour de cassation, dont les magistrats avaient été assurément « pressentis » (« Brisson et la révision », 2 octobre). Une nouvelle fois, Beauregard prenait ses rêves pour des réalités et montrait qu’il ignorait tout ou presque du fonctionnement de la justice et de la séparation des pouvoirs. Il en appela alors à « la grande lessive », au « chambardement général […] contre les juifs et les francs-maçons » (« Le chambardement général », 9 octobre) et ce d’autant plus que Waldeck-Rousseau, Poincaré, Barthou, « avocats des banques juives […] que ces derniers […] avaient forcés à choisir entre leur clientèle, soit cent mille francs de recettes par an, et leur conscience de patriote et d’honnête homme », avaient pris parti pour la révision et pour Picquart, faussaire et « instrument de tout le complot dont les fils sont à Paris et les têtes à Londres et à Berlin (« L’or juif », 11 décembre). Souscripteur du monument Henry (8e liste), il engagea ses lecteurs à suivre con exemple, « pour l’épouse qui veut venger l’honneur du soldat », « pour le petit enfant qui pleure son père » et « contre les Juifs » (« La souscription de la “Libre Parole” », 25 décembre).
Par la suite, il put, sous la plume d’un de ses collaborateurs qui ne dépareillait pas, se réjouir du dessaisissement de la Chambre criminelle, dont « une partie des magistrats qui la composaient, s’éta[ie]nt ou laissés acheter, ou éta[ie]nt de connivence avec la famille du traître » et dont un, même, avait « eu l’infâmie [sic] de révéler les secrets de la défense nationale, à un officier étranger [sic] » (« La politique », 12 février 1899), et s’offusquer qu’on embêtât Déroulède et Marcel Habert, dont la tentative d’insurrection ne répondait pour lui, « pour tous ceux qui aiment la Patrie, [qu’au] plus sacré des devoirs » (« Déroulède et Marcel Habert », 5 mars). Et quel scandale à ses yeux que celui qui consistait à « enfermer ceux qui ont des idées généreuses », quand on laissait « en liberté Reinach, Zadoc Kahn et tous ceux qui, alliés aux étrangers rêvent la ruine de la Patrie française » (« La Main de l’Étranger », 26 mars). On se doute que la nouvelle de la révision ne l’enchanta pas. Encore une fois, il avait une explication, celle qui lui permettait de tout expliquer. Ballot-Beaupré, « dreyfusard », « accusateur », avait « échoué sur les millions du syndicat » et avait même eu l’audace d’accompagner « ses dires d’une canaillerie que personne ne lui demandait, c’est-à-dire en accusant Esterhazy d’être l’auteur du bordereau » (« La semaine », 4 juin) ! Cette victoire des dreyfusards annonçait une période de « charrettes » dont la première avait été remplie, expliquait-il, dès l’annonce de la recevabilité de la révision, « votée en conseil des ministres et enregistrée par les laquais de la Cour de cassation ». Toujours aussi créatif dans l’invention, il révélait à ses lecteurs que

Nous avons vu le colonel de Paty de Clam [sic] arrêté , le général Mercier, traduit devant la haute Cour, les généraux de Boisdeffre et Gonse sous le coup de mandat d’arrêt. Le général Roget déplacé. (« La première charrette », 11 juin).

Bien évidemment il fut de maires qui refusèrent d’afficher l’arrêt de la Cour de cassation qu’avait voté la Chambre (ordre du jour Sembat), motivant ainsi son refus :

Le Blanc, le 11 juin 1890.
Monsieur le Préfet,
J’ai l’honneur de vous faire connaître que je refuse de laisser afficher sur les bâtiments communaux de la ville du Blanc, l’arrêt de la Cour de Cassation, que je considère comme une insulte au Conseil de guerre, c’est-à-dire à l’armée.
Je dénie à la Chambre, sans loi préalable, le droit de faire afficher des arrêts judiciaires, et d’imposer aux contribuables une dépense qui incomberait tout au moins à la famille du traître légalement condamné.

Et il commentait dans son journal :

Le Gouvernement peut prendre à mon égard, commentait-il dans son journal, telle mesure qui lui conviendra. La suspension et la révocation, c’est le cadet de mes soucis.
[…] entre ma conscience, mon devoir et l’infamie qu’on me demande de commettre je n’hésiterai jamais. (« L’affichage de l’Arrêt », 18 juin).

Suspendu pendant un mois par le préfet, il développa son éternelle explication et, notant que « l’ordure dirigée contre l’armée » avait été apposée « au bas du commissariat », se satisfaisait à l’idée que « Les chiens auront toute facilité d’arroser cette infamie et de s’oublier dessus ; […] on ne pouvait comme hauteur choisir à une oeuvre aussi basse un meilleur endroit » (« Ma suspension, 25 juin »). Finalement révoqué, il s’en fit gloire, rappelant Valmy et Patay, Kiel et Bergen (« Chers concitoyens » 16 juillet) : Patriote, dont le « patriotisme est inséparable de l’idée de Dieu et de la Patrie », son « Dieu n'[était] pas le veau d’or devenu par une étrange métamorphose, due à la corruption du temps, la truie juive avec Zola comme grand prêtre » et sa Patrie « pas le lieu où on est bien », mais – lyrique mais maladroit – « le sol pétri du sang et de la poussière de nos ancêtres avec toutes ses gloires et toutes ses tristesses, sol trois fois arrosé de nos sueurs, de nos larmes, de notre sang » (« M. le préfet », 30 juillet). Il fut réélu conseiller municipal le 20 août suivant, considérant cette victoire comme la vengeance des généraux face aux « lâches calomnies que les Dreyfusards accumulent sur leur tête » et un affront au ministère de Défense républicaine (27 août), qu’il avait dès sa formation, décrit le « Ministère de l’acquittement », imposé, on l’imagine, par les francs-maçons et « la juiverie » (« Juiverie et franc-maçonnerie », 2 juillet).  Mais, inéligible, et même s’il eut dix-neuf voix sur vingt lors d’un premier scrutin annulé (« Conseil municipal du Blanc », 10 septembre), il ne retrouva pas sa place de maire et il lui faudra attendre mai 1900 pour être réélu et reprendre ses fonction (« À mes amis », 13 mai).
Soutien de Guérin enfermé dans son immeuble de la rue de Chabrol (« Le fort Chabrol », 3 septembre), dénonciateur du prochain procès de la Haute Cour (« La Haute Cour », 10 septembre), il accueillit avec satisfaction la nouvelle condamnation de Dreyfus, regrettant juste un « jugement mitigé » quand il eut espéré « la relégation à perpétuité » (« La condamnation de Dreyfus », 17 septembre). Immédiatement après le verdict de Rennes, il proposa et obtint au conseil municipal que soit donné, le 22 septembre, un grand bal populaire pour fêter la proclamation de la République et sa « victoire » que constituait la condamnation de Dreyfus, qui a vengé « l’armée de toutes les attaques et les mensonges que les dreyfusards ont dirigé contre elle » (« Conseil municipal du Blanc », L’Écho du Blanc, 16 septembre ; L’Indépendant du Blanc, 17 septembre). On se doute toutefois qu’Il accueillit avec moins de joie la grâce :

La France compte deux traîtres : Dreyfus et Loubet.
Tous deux pour le même motif ont trahi la Patrie : c’est-à-dire pour l’argent.
Le premier a livré le secret de la défense nationale à l’Allemagne.
Le second, entre son honneur et l’or juif n’a pas hésité. Il s’est vendu !
[…] Aujourd’hui, que dire du misérable qui huit jours après la nouvelle condamnation du Conseil de guerre affirmant la culpabilité du traître, gracie Dreyfus.
[…] Malgré le passé honteux de Loubet, sa tendresse et sa complicité pour ceux qui ont dépouillé l’épargne française, malgré les accointances avec la juiverie, la franc-maçonnerie et l’anarchie, personne n’aurait pu supposer que cet homme serait tombé aussi bas, pour trahir son pays.
Son crime dans son genre est plus épouvantable que celui de Dreyfus. Le traître avait livré l’armée, Panama livre la nation tout entière à l’Allemagne.
Dreyfus libre, va porter à l’étranger son intelligence, son activité, nos secrets, indiquer nos points faibles, et faire en liberté tout le mal possible à cet État-Major et à ses soldats qui l’ont renié, condamné, dégradé.
C’est un atout formidable pour l’Allemagne.
Ce sera pour nous désormais une nouvelle cause de faiblesse. Panama savait tout cela ! Et, entre son devoir, l’honneur et les ordres du syndicat de la trahison il n’a pas hésité !….. (« Les pourris », 24 septembre).

L’apaisement, que la grâce et l‘amnistie annoncée devaient imposer aux esprits et qui fera remiser les armes à beaucoup de combattants des deux camps, ne toucha pas Beauregard qui continua plus que jamais son combat. Il mena ainsi campagne, en novembre et décembre, pour Déroulède et les prisonniers de la Haute Cour ; s’insurgea contre l’amnistie, « faite pour les juifs et les dreyfusards » (« L’amnistie », 11 mars 1900 ; « L’amnistie Dreyfusarde, 10 juin ; « L’amnistie des Coquins », 16 décembre) ; se félicita de la démission de Galliffet, qu’il considérait, bien rapidement, comme le nouveau refus d’un ministre de la Guerre de « s’associer aux menées juives qui ont pour but, malgré la trahison de proclamer l’innocence de Dreyfus » et prédit que son remplaçant, André, « dreyfusard » serait le « huitième ministre de la guerre, qui jettera à la face des bandits qui nous gouvernent son portefeuille, plutôt que de commettre une infamie vis-à-vis de ses frères d’armes » (« Et de sept ! », 3 juin) ; dénonça les annonces faites par Dreyfus de la poursuite de sa réhabilitation (« La réhabilitation du traître », 7 octobre) ; puis « l’enjuivement de l’Armée » (« Les Juifs dans l’Armée », 21 octobre), sa désorganisation  par André – qui ne se montrait donc guère conforme à ses prédictions – et la nomination à un poste-clé du « cousin de Dreyfus » (13 janvier 1901) ; s’emporta contre « La presse juive » (26 mai) ; défendit « le camarade » (« Antijuif », 8 septembre) Guérin « qui se meurt dans la prison de Clairvaux » (« Le héros de Fort Chabrol », 30 juin) ; se délecta du nouvel antisémitisme d‘Ibels et des révélations de Labori après sa brouille avec Reinach et les Dreyfus (« L’affaire Dreyfus », 22 décembre) ; et proclama un nationalisme qui n’était depuis longtemps plus une surprise pour personne (« Le parti nationaliste. Ce que nous voulons ! », 12 janvier 1902).
Se représentant aux élection de 1902, Beauregard déclara dans sa profession de foi :

La lutte aujourd’hui existe entre deux partis : celui des Dreyfusards, des Juifs, des Francs-Maçons, des Sectaires qui ont supprimé toutes les libertés, décapité l’armée de ses meilleurs chefs, laissé insulter le Drapeau […].
Les hommes qui sont à sa tête ont vendu la Patrie à l’étranger, réhabilité un traître […].
Quant à l’autre parti, il s’appelle la République du Peuple ; il ne veut ni Juifs ni Étrangers à sa tête, il veut la France vivant en paix, grande au dedans, respectée au dehors, dirigée par des hommes d’ordre et de liberté, ayant le culte de l’armée et de la Patrie » (Recueil Barodet 1902, p. 372).

Ce nationaliste qui avait préféré conserver son étiquette de « républicain indépendant » et qui affirmait vouloir « rallier sur un terrain neutre qui s’appelle l’application de la devise républicaine, tous ceux qui désirent voir la France libre, grande et respectée comme autrefois, et non plus assujettie comme aujourd’hui, à une poignée de juifs, de francs-maçons et d’étrangers » (« Le coup d’épaule », 6 avril), mena une campagne d’une grande violence contre son concurrent Leglos, dreyfusard comme on s’en doute :

PATRIOTES !
Souvenez-vous :
Que Leglos a volé CONTRE l’Armée et POUR Dreyfus ;
Que Leglos a volé CONTRE la Liberté et POUR les Juifs.
Vive l’Armée !
A bas les Traîtres !
Vive la République Nationale et Française ! (10 avril).

Réélu, à une confortable majorité (2 500 voix d’avance), Beauregard, membre de l’Action libérale et du Groupe républicain nationaliste, vota, à l’occasion de la relance de l’Affaire par Jaurès et l’enquête annoncée par André en avril 1903, sur l’ordre du jour Chapuis, contre le gouvernement et pour la seconde partie demandant que l’affaire ne sortît pas du domaine judiciaire. Nous ne saurons jamais ce qu’il put écrire entre la fin de 1902 et 1909, la seule collection connue, celle de la BNF, étant lacunaire. Il sera ensuite successivement battu en 1906, 1910 et 1914.
Beauregard fut un antidreyfusard convaincu et militant, un vrai radical, un violent, un exalté, qui ne s’embarrassait guère de la vérité et de la vraisemblance pour mener le combat dont il se sentait investi. Antisémite obsessionnel, il avait trouvé dans la haine des juifs la pratique explication à tous les maux de la terre et de quoi alimenter son délire paranoïaque, comme en témoignent les nombreux extraits précédemment cités, ou ce dernier dans lequel il décrivait à ses lecteurs avec un sérieux qui n’est pas sans nous interroger, « la silhouette du juif de façon à ce qu’on puisse le reconnaître » :

On reconnaît le juif à sa physionosomie [sic] et à ses actes.
Il est généralement gros, court, mal monté sur jambes, la tête forte, les cheveux noirs, le teint jaune, graisseux, les yeux clignotants, ne vous regardant jamais en face et il possède par dessus tout, comme signe distinctif, un nez crochu.
C’est la marque de la race, la preuve qu’il vient de l’étranger, car tout autre [sic] sont la physionomie et le nez français.
Comme tournure, le juif n’en a pas, tellement il marque mal [sic].
Les personnes qui ont visité l’Afrique ont le souvenir de ces têtes de juifs qui, accroupis dans leurs boutiques, guettent les clients pour les voler et vendent de tout, jusqu’à leurs femmes et leurs filles.
L’argent est leur seul Dieu, leur seul objectif.
En France, on remarque sur les boulevards de Paris, des marchands de lorgnettes, de parapluies, de cannes et autres camelots de différentes professions qui sont, pour la plupart, de race juive et qui se reconnaissent à leur nez, à leur tournure et à leur accent.
Quant aux actes du juif, ils sont tous accomplis dans son intérêt, l’intérêt général ne les préoccupe jamais, c’est son intérêt personnel qui est toujours en jeu.
Il se mêle à toutes les affaires, commerciales et tâche d’acculer ses concurrents à la faillite pour en profiter.
C’est sur les ruines des autres que ! le juif édifie sa fortune.
Vous le verrez dans toutes les entreprises financières, dans toutes les grandes Compagnies, dans toutes les Sociétés ; il se fait tout petit en commençant, puis s’insinue peu à peu, enfin, arrive à commander en maître.
C’est là qu’on le juge ; il est autoritaire, grossier, méchant, et ne cherche qu’à exploiter le public, témoins le Panama, les Kracks [sic] de l’Union générale, catastrophes qui ont été amenées par les juifs.
La Patrie est une chose inconnue aux Youpins, et si par malheur ils sont dans l’armée, c’est pour la trahir comme Dreyfus !
Le juif se faufile partout, il est la ruine de notre pays car il est l’ami de l’Étranger dont il est le meilleur agent.
Il y a des Juifs même sur les bancs de la Chambre des Députés.
De mon temps nous avions Joseph Reinach, dit Boule de Suif [sic]. Depuis un autre l’a remplacé.
Qu’on se souvienne toujours et encore que le juif est l’ennemi de la France, le buveur de sang de l’ouvrier et l’ami des gros.
Les juif m’ont voué une haine mortelle, car j’avais fait une proposition de loi qui expulsait leur race de France, comme cela se passe d’ailleurs en Russie, et qui confisquait leurs biens au profit du peuple.
Le juif, voilà l’ennemi ! (« Le Juif », L’Indépendant du Blanc, 6 avril 1902).

Philippe Oriol

 

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