Jules Develle

Develle, Jules, Paul, avocat et homme politique français, né à Bar-le-Duc (Meuse) le 12 avril 1845*, décédé à Paris le 30 octobre 1909.

Après ses études de droit, avocat, Develle fut sous-préfet de Louviers (1872) puis préfet de l’Aude ou Aube (1876). Révoqué après le Seize-Mai, il se présenta aux élections et fut élu député dans l’Eure en octobre 1877. Membre de la Gauche républicaine, il fut nommé sous-secrétaire d’état dans le cabinet Waddington (1879). En 1885, il se présenta dans la Meuse et fut élu. Vice-président de la Chambre en 1890, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur dans le cabinet Duclerc (1882-1883), ministre de l’Agriculture dans les cabinets Goblet (1886-1887), Freycinet (1890-1892), Loubet (1892) et Ribot (1892-1893), ministre des Affaires étrangères dans le second cabinet Ribot (1893) et dans le cabinet Dupuy (1893), Develle fut aussi un des fondateurs, avec Waldeck-Rousseau, du Grand Cercle républicain.
En mai 1898, Philippe Dubois, l’attaquant dans L’Aurore, révéla que Mercier, au commencement de l’Affaire, était venu trouver le ministre des Affaires étrangères qu’il était alors pour lui demander de lui communiquer une pièce et que depuis le remord le rongeait : « Je ne dors plus à l’idée que la pièce secrète du procès de 1894, où il est question de ce canaille de D…, a été livrée par moi au général Mercier ! […] » (Ph. Dubois, « Les Deux Develle », L’Aurore du 20 mai 1898). Dubois se trompait : les deux hommes n’ayant jamais fait partie du même cabinet (Develle quitta les Affaires étrangères avec le cabinet Dupuy, en novembre 1893 ; Mercier entra au ministère de la Guerre en décembre suivant), ce n’est pas à lui que Mercier aurait demandé la fameuse pièce mais à Hanotaux, ministre en place à l’été 1894. Dubois se trompait mais par sur l’essentiel : Develle avait bien eu entre les mains, en 1893, « au mois d’août ou de septembre, lorsque j’étais ministre des Affaire étrangères », comme il le dira à l’occasion de sa déposition devant la Cour de cassation, une pièce « dans laquelle se trouvait l’initiale D. » (p. 333). Mais cela dit, il niera que la fameuse pièce fût la célèbre « ce canaille de D…. » (p. 335). La pièce qu’il avait connue, et qu’il décrira plus tard à Joseph Reinach, commençait par l’évocation par Panizzardi d’un voyage à Rome en passant par Bâle et la Suisse, occasion d’exprimer « la satisfaction qu’il avait éprouvée en constatant la situation prospère de l’Italie ». En troisème page, continuait-il, se trouvait une post-scriptum qui « commençait ainsi : “êtes-vous retourné chez la comtesse +++” (trois initiales). L’initiale D se trouvait sur la dernière ligne : je crois me rappeler qu’elle était suivie de ces notes “est-il-toujours aussi exigeant” » (BNF n.a.fr. 24876, f. 348). On voit ici que les souvenirs de Develle sont pour le moins imprécis, qui confondent la pièce qu’il avait peut-être vue et le célèbre article de L’Éclair de 1896. Est-ce donc à dire qu’il exista une autre pièce (autre encore que la falsifiée « D. m’a porté beaucoup de choses très intéressantes »), autre pièce disparue et dont personne d’autre ne parla, contenant la fameuse initiale ? Cela est douteux et pourtant c’est bien ce que laisse entendre Develle quand il raconte à la suite qu’inquiet de savoir si la pièce qu’il avait connue « pouvait être une des pièces secrètes qu’on prétendait avoir été communiquées au Conseil de guerre » (p. 334), autrement dit que la dite pièce devait bien être « ce canaille de D…. » dont avait parlé la presse, il rendit visite, en mars 1898, à Billot, alors ministre de la Guerre, qui lui affirmera ne pas connaître la pièce en question et lui confirmera la culpabilité de Dreyfus dont le nom était « écrit en toutes lettres » (p. 334) dans des correspondances, interceptées, entre Panizzardi et Schwartzkoppen (le fameux faux Henry). Billot lui avait alors déclaré : « Ne doutez pas de la culpabilité de Dreyfus. Il nous a fallu plus d’un mois pour classer et mettre en ordre les pièces qui composent le dossier de trahison. Mon successeur pourra, en deux heures, constater que Dreyfus est coupable. Quant à moi, je crois bien qu’Esterhazy l’est aussi » (p. 334).
Cela revient à poser une autre question. Develle avait-il pu – inventant alors, de bonne foi peut-être et de mémoire incertaine, pour se disculper d’avoir participé à une mauvaise action une pièce autre que la pièce incriminée –, connaître au temps de son ministère « ce canaille de D…. » ? Cela revient à poser la cruciale question de la date du document. Serait-il donc de 1893 ou 1892 – comme beaucoup l’affirmèrent avec conviction (Cordier, Cassation i. ii, tome 1, p. 298 et Rennes i, p. 511 ; et la plupart des dreyfusards : Reinach, i, p. 32 et 577-582 ; Dhur, pp. 26-27 ; Desachy (répertoire), p. 5, etc.) ? Cela, à vrai dire, nous semble peu probable et nous croyons fermement, avec Marcel Thomas (Thomas, p. 554-555, note 16) que la pièce est bien de la date qu’elle porte, à savoir du 16 avril 1894… 
Quoi qu’il en fût, Develle connaissait l’existence d’une lettre dans laquelle il était question d’une « canaille de D. », lettre qui avait été transmise aux juges de 1894 à l’insu de Dreyfus et de son avocat, mais préféra garder le silence. Certes, il en parla aux Dreyfus – les Cahn, ses administrés de Bar-le-Duc –, qu’il connaissait depuis longtemps (La Libre Parole le lui avait reproché en 1894 : Gaston Méry, « Haute trahison », 4 novembre) et tout particulièrement à Mathieu Dreyfus auquel il avait permis d’avoir confirmation des renseignements obtenus de Gibert et de Salles (Mathieu, p. 83). Mais il préféra, à la Chambre, quand il eut pu parler, garder le silence. Il vota, avec la majorité, le 4 décembre 1897, le respect de la chose jugée et l’hommage rendu à l’armée (ordre du jour Lavertujon), et, s’il s’opposa à l’ordre du jour Habert et Richard flétrissant « les meneurs de la campagne odieuse entreprise pour troubler la conscience publique », ce ne fut que, parce qu’absent avec Poincaré (tous deux présidaient à cette même heure le Banquet et la Société Meusienne), ils avaient demandés aux deux autres députés de la Meuse, Prudhomme-Havette et Royer, de voter pour eux. Et les deux collègues et compatriotes avaient coté contre, « explications satisfaisantes », parce qu’ils « ont trouvé cette formule vague et obscure » et qu’il ne leur avait pas semblé qu’il « était du rôle de la Chambre d’émettre des votes de flétrissure et de faire des manifestations stériles » (explication de Poincaré en une lettre adressée au Républicain de l’Est, 19 décembre 1897). Après « J’Accuse… ! », il vota la demande faite au gouvernement de « prendre les mesures nécessaires pour mettre fin la campagne entreprise contre l’honneur de l’armée » (ordre du jour de Mun).
Cité à comparaître au procès Zola, il déclara ne pas savoir s’il se rendrait au tribunal et que, s’il y venait et y était interrogé « sur un fait dont j’aurais eu connaissance en tant que ministre des Affaires étrangères, je ne répondrai rien » (« L’Affaire Dreyfus », Le Temps, 26 janvier 1898). Yves Guyot, dans Le Siècle du 28 janvier, exhorta Develle à ne pas rester sans parler. Rappelant ses liens avec la famille Dreyfus, dont il connaissait le patriotisme, et que « depuis le malheur qui l’a frapée […] vous [n’]avez point reniée », rappelant les « doutes à l’égard de la culpabilité du capitaine » qu’il n’avait « point dissimulés à [ses] amis de Bar-le-Duc », il l’exhortait à ne pas rester muet :

Comme ancien ministre, comme député, comme légiste, comme homme, vous devez être profondément révolté de la manière dont a été obtenue la condamnation de Dreyfus. Chaque jour apporte une nouvelle preuve de la perfidie de ceux qui l’ont provoquée, et de l’illégalité commise avec une effroyable inconscience par ceux qui l’ont prononcée.
Malgré les sollicitations des hommes politiques qui, en ce moment, pour leurs misérables intérêts personnels, foulent aux pieds la loi, la justice, l’humanité, l’honneur de la France, vous voudrez donc apporter l’appui de votre témoignage dans le procès Zola : et vous parlerez avec la netteté d’un homme révolté contre le crime judiciaire que l’on veut consacrer au nom de “l’honneur de l’armée !” » (« À M. Develle, ancien ministre »).

Develle ne répondit pas et c’est sans doute avec un grand soulagement qu’il dut accueillir la déclaration de Labori par laquelle la défense renonçait à sa déposition.
Mais sa prudence ne l’empêcha pas d’être considéré par ses adversaires politiques comme le dreyfusard qu’il était. À l’occasion des élections de mai 1898, en effet, Develle fut l’objet de la part de son concurrent, le « radical » Ferrette (et de son Électeur meusien), et de trois importants journaux de la région, la puissante Croix Meusienne, Le Républicain de l’Est et L’Écho de l’Est, d’une terrible campagne de dénigrement et d’insultes au cours de laquelle il fut présenté comme « un franc-maçon » dont les « votes ont toujours été ceux d’un fidèle affilié aux loges » (H. Moustique, « Échos meusiens. Chronique électorale », La Croix meusienne, 30 janvier 1898) et comme un dreyfusard. Le Républicain de l’Est, ainsi, le présentera comme un astucieux qui « n’hésiterait pas à prendre la tangeante et à voter avec les judaïsants dont la caisse de Rothschild paie les frais électoraux, le jour où l’un d’eux proposerait à la Chambre de demander la révision du procès Dreyfus » (X., « Chronique électorale », 1er mai). Develle répondit à ces attaques par la plume de Gaston Bally, dans l’antidreyfusard Indépendance de l’Est :

Dans les réunions où il a pris la parole, il a nettement, sans réticences, donné son opinion sur l’affaire Dreyfus. À aucun moment il n’a mis en doute la culpabilité de l’ex-capitaine. Au contraire, il a toujours dit et répété que les braves officiers qui composaient le conseil de guerre n’auraient pas condamné un de leurs frères d’armes sans avoir sous les yeux des preuves décisives de sa trahison. Il a toujours dit et répété que le respect de leur sentence, qui a l’autorité de la chose jugée, s’imposait à tous les bons Français. C’est précisément parce qu’il ne s’est pas associé à la campagne du syndicat que le journal le Siècle, qui est, comme on le sait, le moniteur officiel du syndicat, dans un article qui contient plusieurs assertions inexactes, l’a mis en demeure de lui apporter son concours. […] Si le syndicat avait été assuré de son appui, il se serait bien gardé de l’inviter publiquement à la lui donner » (« Encore Dreyfus. Fausse manœuvre », 24 avril 1898).

Quelques jours après, et malgré ce démenti, La Croix meusienne fit allusion à ses « relations amicales très anciennes et qui durent toujours, avec un certain nombre des membres de la famille du traître. Et on se souvient encore », ajoutait le journal, « de l’article publié par le Siècle, il y à quelques semaines, et dans lequel le F... Guyot, valet des Juifs, déclarait que le député de Bar-le-Duc, malgré le témoignage de tous les officiers et les généraux de l’État-Major, était convaincu de l’innocence de l’infâme » (« Le Bulletin blanc », 1er mai). Develle fit à nouveau insérer, dans L’Indépendance de l’Est, un dementi : « Dreyfus avait été justement condamné » et s’il avait bien eu par le passé des relations avec la famille K… [Cahn], il n’avait, « depuis le procès […] rencontré aucun membre de la famille Dreyfus » (« Réponse catégorique au journal La “Croix” », 1er mai). Il ira même jusqu’à faire imprimer qu’il avait « rompu toute relation avec M. Kahn [sic] au moment même de l’arrestation de l’ex-capitaine » et que, oubliant Mathieu auquel il avait parlé de l’existence du dossier secret, « jamais il n’a connu le reste de la famille, qui n’habitait pas Bar-le-Duc » (« Une infamie », L’Indépendance de l’Est. 22 mai) !!! Dans ce même numéro du 1er mai, Bally publia aussi un commentaire tout à fait antidreyfusard (voir notice Bally) à la réponse à la Chambre de Méline du 24 février à l’interpellation d’Habert et de Viviani qu’il fit suivre d’un très lisible : « Nous sommes autorisés à affirmer que le sentiment que nous exprimons est celui de M. Jules Develle » (« Il faut que cela cesse »). Dans le numéro suivant, Develle, loin donc d’assumer ses convictions et multipliant les signes de bonne volonté, fit insérer sa profession de foi dans laquelle il s’indignait qu’on ait pu lui reprocher « faussement en dépit des démentis les plus catégoriques, d’être favorable à la campagne du Syndicat que j’ai toujours reprouvée ». Quelques jours plus tard, il fit même insérer, toujours dans L’Indépendance, une lettre qui certifiait conforme le commentaire affirmant qu’il s’associait « sans réserve aux engagements pris par M. Méline relativement à la campagne du syndicat ».
Entre les deux tours – Ferrette l’avait devancé au premier de plus de 1 600 voix – et en réponse indirecte à une nouvelle attaque de La Croix meusienne qui finissait en lui demandant « ce qu’il ferait si un député syndicataire proposait à la Chambre la révision du procès Dreyfus » (« L’Un qui parle et l’autre qui ne dit rien », 8 mai), Develle il fit afficher dans Bar-le-Duc, et publier dans L’Indépendance de l’Est, une proclamation dans laquelle il affirmait :

Des adversaires sans scrupules persistent à répandre le bruit que je suis franc-maçon.
Ils ont menti.
Je ne suis pas et je n’ai jamais été franc-maçon.
Les mêmes adversaires ont dit et continuent à dire que j’ai approuvé les manœuvres du Syndicat Dreyfus.
Ils ont menti.<brJ’ai toujours réprouvé la campagne antipatriotique des soutiens du traître. Il faut mettre sans retard un terme à l’agitation qu’ils ont provoquée et qui risquerait de compromettre la sécurité intérieure et extérieure du Pays. Je donnerai l’appui le plus énergique aux mesures qui auront pour but d’assurer le respect de la chose jugée et de protéger contre toute attaque les chefs de l’Armée française.
J’ai le droit, plus qu’un autre, de crier avec vous :
Vive la République ! Vive l’armée ! Vive la France ! » (L’Indépendance de l’Est, 16-17 mai 1898).

Et de déclarer en un large pavé, dans le numéro du 20-21 mai, que L’Écho de Paris, un des « deux grands journaux parisiens qui ont le plus énergiquement combattu la campagne des défenseurs de l’ex-capitaine Dreyfus », L’Écho de Paris, « que les feuilles dreyfusardes se plaisent à appeler l’organe officiel de l’état-major de l’armée, déclare, dans son numéro du 20 mai, qu’il serait profondément regrettable que la Chambre ne comptât pas M. Jules Develle parmi ses membres ». De même, se sentant en perdition et prêt à tout pour conserver son siège, Develle, quelques jours plus tôt, avait fait attaquer, dans L’Indépendance, l’antisémite Ferrette, lui reprochant d’avoir dit au moment du procès Zola « qu’il était partisan de la révision du procès Dreyfus ». Il aurait même affirmé, pouvait-on lire à la suite, qu’il avait « de très bonnes raisons de croire à l’innocence de Dreyfus » (Gaston Bally, « Avant que le coq ait chanté », 13 mai).
C’est écœuré par une telle attitude que Philippe Dubois publia le texte plus haut évoqué qui rappelait l’amitié de Develle avec la famille Dreyfus, sa conviction en l’innocence du capitaine et les remords qui étaient les siens d’avoir eu entre les mains une pièce du dossier secret. La presse adverse s’en empara (voir par exemple Laumonier, « Develle, dreyfusard, trahi par ses complices », L’Écho de l’Est, 21 mai) et Bally répondit dans L’Indépendance de l’Est, niant tout, en bloc, accusant Ferrette et Laumonier d’être à l’origine de cette « Nouvelle infamie » dont il rappelait que c’est dans le « journal dans lequel M. É. Zola a publié son article injurieux pour l’armée » et qui « mène en faveur de l’ex-capitaine Dreyfus » une campagne quotidienne » qu’elle avait parue (22 mai). Develle prit aussi la plume pour, une nouvelle fois, affirmer qu’il avait « toujours demandé que l’arrêt rendu par la justice militaire fût respecté par tous » et qu’il avait « flétri, à la Chambre même, les menées des défenseurs du traître ». Et de s’indigner : « Moi, un Français de la frontière, un Lorrain, un Meusien, on m’accuse de complicité avec un traître ! » (« Nouvelle infamie de la dernière heure », L’Indépendance de l’Est, 22 mai).
Mais les efforts éperdus de Develle ne désarmèrent pas ses adversaires qui continuèrent leur campagne d’insultes. Le Républicain de l’Est se perdit en considérations sur le « dégoûtant personnage », qui a « toujours été et reste l’homme du syndicat de trahison » (« M. Develle et le Syndicat de trahison », 22 mai) et Daniel Laumonier, dans L’Écho de l’Est, publia un « Appel à la discipline » qui appelait les électeurs, son candidat par défaut Angelini ayant été battu, à reporter leurs voix, faute de mieux, sur Ferrette :

Faites rentrer sous terre la Bande opportuniste, juive et maçonnique dont M. Develle est le champion […]. 
Voter pour Develle, c’est voter pour les francs-maçons et pour les juifs ;
C’est voter pour l’impunité des panamistes ;
*C’est voter pour l’impunité des traîtres et pour la continuation des affaires Dreyfus. 
[…] Demain vous allez assister à la reprise de l’abominable campagne judéo-prussienne contre laquelle M. Develle, ami intime du juif allemand Joseph Reinach, a toujours refusé de prendre un engagement d’initiative personnelle.
[…] Tout plutôt que le candidat des juifs et de la franc-maçonnerie, que le conseiller de la famille Dreyfus. 
[…] notre devoir à tous est de faire abstraction de nos préférences personnelles et de donner, par un vote de discipline, le coup de grâce à cet homme néfaste. 
Votez tous en masse contre M. Develle » (21 mai).

Et le journal, à la suite, en une, reproduisait l’article de Philippe Dubois précité. Les reniements de Develle, face à une telle campagne qui s’appuyait même sur la presse dreyfusarde, ne purent y suffire et il fut battu par 2 300 voix.
Il revint alors au droit, devint conseiller à la Cour d’Appel de Paris et se représentera, à l’occasion d’une partielle, en mars 1899, à Louviers. Après se nouvel échec, il renonça à la députation et ne se représentera qu’en 1910, à la mort de son frère Edmond, au Sénat où il demeurera jusqu’à sa mort.
Est-il l’« ancien ministre » qui participa à la souscription du Siècle en réponse à l’affichage du discours de Cavaignac (1ère liste) ? Cela est fort probable. Quoi qu’il en fût, il s’obstina dans la dénégation et l’affirmation de sentiments contraires à ceux qui étaient les siens. Ainsi, président du Conseil général de la Meuse, il appela le nouveau gouvernement, dans son allocution d’ouverture d’août 1898, à « mettre un terme définitif à cette abominable campagne qui tue notre commerce, notre industrie, et, qui pis est, notre confiance en nous-mêmes ». Et d’ajouter, avec une rare mauvaise foi : « On vous a reproché de ne point vous être associés, lors de notre dernière session, aux protestations qu’un grand nombre de conseils généraux ont élevées contre ces détestables manœuvres ; on l’a fait à tort, car il y a de ces choses qu’un cœur lorrain ressent si fortement qu’il est inutile de les traduire en paroles » (« Conseils généraux », Le Temps, 25 août 1898).
Le 28 décembre 1898, il fut appelé à déposer devant la Cour de cassation au sujet de la pièce « Ce canaille de D. » où, comme il a été dit plus haut, il s’embrouillera pour ne pas avoir à dire réellement le fond de sa pensée.
Develle est le parfait exemple de ces dreyfusards convaincus – et un des rares députés que dès décembre 1897 Gonse considérait dans ses petits dossiers comme étant « partisans du syndicat » (Cassation ii. ii, tome 1, p. 158) – qui n’osérent guère s’affirmer et allèrent même jusqu’à « renier [leur] pensée » (comme le dit Jaurès, « Discours de Montpellier », Jaurès, Œuvres, 6, p. 425) pour ne pas perdre une place à laquelle ils tenaient.

Sources et bibliographie : La déposition de Develle devant la Cour de cassation se trouve dans Cassation i. ii, tome 1, p. 333-335. On pourra lire aussi l’article de Michel Salviac, « La Carrière politique des frères Develle », Bulletin des Sociétés d’histoire et d’archéologie de la Meuse, no 4, 1977, pp. 3-143. Sur sa défaite aux élections de 1898, voir Jocelyne George, « Provinciales : La France aux quatre coins » in Pierre Birnbaum, La France de l’affaire Dreyfus. Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1994, p. 122-126, article que nous complétons.

Philippe Oriol

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