Albert Ier de Monaco

Albert Ier (Albert, Honoré, Charles Grimaldi), monarque, explorateur et océanographe monégasque, né à Paris le 13 novembre 1848, décédé à Paris le 26 juin 1922.

Fils de Charles III de Monaco et de la comtesse belge Antoinette de Mérode-Westerloo, il étudia au collège Stanislas de Paris puis au Petit Séminaire de La Chapelle-Saint-Mesmin. Après avoir reçut sa formation de marin à Lorient, effectué son service militaire dans la marine de guerre espagnole comme enseigne de vaisseau, il s’engagea dans la marine de guerre française durant la guerre de 1870. La guerre finie, le prince se passionna pour l’océanographie après voir suivi les cours du professeur Alphonse Milne-Edwards, le directeur du Musée d’histoire naturelle : c’est ainsi qu’il transformera dès 1873 son yacht de 200 tonneaux, L‘Hirondelle, en véritable navire conçu pour la recherche, à bord duquel il effectuera de nombreux sondages en Méditerranée et sur l’Atlantique. Onzième prince de Monaco à partir du 10 septembre 1889, il continua néanmoins ses recherches grâce à de nouvelles goélettes à vapeur, la Princesse Alice I (1891, 600 tonneaux), la Princesse Alice II (1898, 1400 tonneaux) puis L‘Hirondelle II (1911, 1650 tonneaux) sur lesquelles il effectue près d’une trentaine d’expéditions du Cap Vert aux côtes de Norvège, d’Amérique du Nord ou du Brésil, en passant par le Spitsberg. Il dirige lui-même près de 3 700 prélèvements océanographiques et publie régulièrement les résultats de ses campagnes scientifiques. Sa collection d’espèces marines sera exposée aux Expositions universelles de 1889 et de 1900. 
Albert 1er fut un ardent dreyfusard. Il le fut parce que l’étude qu’il avait pu en faire avait amené le scientifique qu’il était à cette évidence de l’innocence de Dreyfus mais aussi parce que l’Affaire ne pouvait que « blesser tous les sentiments nobles que la nature ou l’éducation développent chez un homme civilisé » (lettre du 19 mars à Joseph Reinach, BNF n.a.fr. 13550, f. 19). Engagé, et engagé dès la fin de 1897, Albert de Monaco s’était fait un devoir de dire à tous sa conviction et de tenter de ramener ceux qu’il croisait à la raison. Comme il l’écrivit à Reinach : « Je dis tout haut ce que je pense de l’affaire Dreyfus ; tout le monde peut l’entendre parce que c’est la libre opinion d’un homme honnête. J’emploie mon influence pour détourner un mal grave du pays que j’aime comme une seconde patrie » (lettre du 8 mars 1898, BNF n.a.fr. 13550, f. 14). Ainsi, en décembre, il avait écrit à Flore Singer pour lui faire part de ses sentiments, une lettre que sa correspondante avait montrée à Scheurer-Kestner dont il soutenait sans réserve « les actes sincères du cœur », ou le mois suivant, à Émile Duclaux qui venait de s’engager, pour lui dire sa joie « de voir l’Institut manifester par votre bouche si autorisée, des sentiments auxquels applaudissent tous ceux de nos compatriotes que n’aveugle aucun parti pris. C’est de la haute et saine justice que vous leur enseignez là : celle qui répudie les entrainements passionnels et n’accepte que la précision de la vérité. En appliquant à une œuvre d’humanité les principes de la science vous agissez bien conformément à la pensée de notre maître Pasteur ». C’est dans le cadre de la mission qu’il évoqua à Reinach, qu’au début de janvier 1898, lors de sa présentation des vœux au président Félix Faure, il tenta d’entretenir sans succès son interlocuteur de sa conviction de l’innocence du capitaine (Félix Faure, Journal à l’Élysée (1895-1899), Paris, Éditions des Équateurs, 2009, p. 295). C’est peut-être du fait de cet échec qu’il prit la décision de s’engager publiquement en donnant une lettre ouverte à la presse à laquelle il renonça finalement, se rangeant aux arguments de Reinach et de Scheurer-Kestner. Inspiré par Flore Singer, il décida alors de s’adresser à Zadoc Kahn qui, à son tour, ayant soumis au Consistoire l’idée de « faire une démarche auprès du gouvernement, ou [de] lancer une déclaration quelconque », refusa finalement (Robert*, p. 195-198). Voulant agir et être utile à la cause et, après ces refus, cherchant, comme il l’écrira à Reinach, à « donner une forme plus acceptable à la manifestation de [s]a pensée » (lettre du 4 février 1898, BNF, n.a.fr. 13550, f. 4), il décida de retenter sa chance auprès du président de la République et lui demanda audience. Mais une nouvelle fois, Faure, auquel il désirait montrer les preuves qui fondaient sa conviction, preuves obtenues dans différentes cours d’Europe, refusa de l’entendre, lui expliquant que non seulement il n’accepterait jamais ce type d’ingérences mais surtout qu’il se devait, comme tout Français, de « respecter la justice du pays » et que ceux qui prétendaient pouvoir prouver qu’il y avait eu erreur judiciaire devaient emprunter pour ce faire les voies légales (Félix Faure, Journal à l’Élysée (1895-1899), p. 295-296). 
Au lendemain d’un procès qu’il jugeait « indigne d’un pays comme la France » tant il lui semblait « impossible d’étouffer la lumière avec plus d’audace » (lettre à Reinach du 11 [lect. inc.] février, BNF n.a.fr. 13550, f. 5 ; voir aussi et surtout la lettre du 26, ibid., f. 7), il écrivit à Labori et à Zola  pour les féliciter. Zola dont il confiait ne guère aimer l’œuvre mais dont il saluait « le courage honnête et le patriotisme éclairé » (Fouilleron*, p. 268) et auquel il écrivit : « Votre déclaration contient les plus beaux sentiments qu’une âme puisse exprimer ; elle honore l’humanité, elle ajoute un rayon à la gloire de la France. Pour tous ceux qui admirent l’indépendance et la sincérité dans le patriotisme, vous grandissez plus haut que le renom de votre talent ».
Par la suite, après avoir refusé d’entreprendre la démarche, que lui demandait Reinach, auprès du Tzar dans le but d’agir par lui sur Félix Faure (Robert*, p. 198-201), Albert 1er, en novembre, tenta sa chance auprès de Münster mais cette fois plus particulièrement pour tenter de faire libérer Picquart alors en prison. Il s’agissait d’obtenir de lui une intervention auprès de Schwartzkoppen pour que fût comparée l’écriture du Petit bleu avec la sienne. Schwartzkoppen n’y avait pas donné suite (Baumont, p. 272-273).
Le 30 octobre 1898, après la recevabilité de la révision du procès de 1894, il écrivit à Lucie Dreyfus pour lui témoigner son admiration et se réjouir avec elle :

Ma voix n’a jamais cessé de défendre le capitaine Dreyfus contre les lâchetés et les absurdités. Aujourd’hui que la sagesse des plus hauts magistrats de la France fait taire les passions, je vous apporte à vous que je connais seulement par vos douleurs, un témoignage d’admiration ; et je souhaite à vos enfants l’oubli du rêve barbare dans lequel ils ont grandi. 
Je crois qu’ils ne seront pas très fiers d’appartenir à l’espèce humaine quand ils comprendront qu’aux dernières heures de ce siècle, les voix de la raison et du cœur peuvent être couvertes par celle de l’intolérance ; que l’antisémitisme est contemporain de Pasteur ! Et le martyre de leur père leur laissera le regret d’avoir vécu trop tôt, alors que la culture des esprits n’a encore servi aux hommes que pour mesurer leurs fautes.
Mais un jour ils sauront quelle âme s’est révélée dans le cri de ses injustes souffrances ; ils pèseront le jugement des hommes qui, par leur science et leur caractère font respecter le nom de la France, et qui ont su payer à sa valeur la conviction de leur conscience ; ils béniront leur vaillante mère qui a su vaincre la coalition des faiblesses et des sottises. Et l’exemple de toutes ces grandeurs, et de toutes ces misères leur fournira les leçons qui font les honnêtes gens.
Je vous prie, Madame, de considérer les sentiments que je vous exprime ici comme ceux d’un ami véritable de la France qui voit avec bonheur un ciel meilleur se dessiner pour elle.

Et le 4 juin, au lendemain de l’arrêt de la Cour de cassation, il écrivit à nouveau :

Vous m’excuserez ne vous connaissant pas de venir vous apporter le témoignage de ma grande joie d’abord et de mon admiration ensuite. Des âmes de votre trempe Madame sont rares et sont la gloire de notre pauvre humanité qui en recèle hélas de bien rares. Durant ces 4 ans de votre affreux martyr, ma pensée allait vers vous. La beauté de votre caractère m’enthousiasmait et les tortures de votre cœur ma faisaient une blessure – Vous avez triomphé Madame, car Dieu est juste et j’espère qu’il trouvera pour vous des compensations à votre long martyr et que le capitaine et vous oublieront dans le bonheur les tortures des ces années affreuses.

Entre temps, le 16 février 1899, revenant de Berlin où il avait encore évoqué l’affaire avec le Kaiser et apportait un élément capital : « l’attestation formelle de Guillaume II au sujet de Dreyfus et de Esterhazy », il vient, à l’occasion des vœux, renouveler officiellement sa démarche auprès de Félix Faure. Comme le dit Reinach : « ce n’était pas la première tentative qu’il faisait près de lui, il savait d’avance qu’il serait mal écouté ». Malgré l’insistance du prince, au cours d’un entretien de 45 minutes à L’Elysée, le Président lui répéta qu’il « ne voulait rien entendre et que cette affaire ne le concernait pas » (Reinach II, p. 308). Mais, une heure après le départ d’Albert 1er, Félix Faure est terrassé par une hémorragie cérébrale dans son bureau et mourrait quelques heures plus tard. « L’ont-ils tué ? » demanda La Libre Parole, comme si le Prince, « révisionniste » et officiellement le dernier à avoir été reçu par le président, avait voulu le punir de son intransigeance. « Dès le 18, La Patrie insinuait que Faure avait été empoisonné par les Juifs. Les antisémites changèrent plus tard de version : c’était le prince de Monaco qui avait donné à Faure un cigare empoisonné qu’il tenait de Ranc ou de moi », écrit Reinach (II, p. 311, note 2).
Le 28 juin 1899, après l’arrêt de la Cour de cassation et dans l’attente du procès de Rennes, il réalisa son projet de janvier de manière certes moins spectaculaire que ce qu’il avait envisagé au début de 1898 mais dont l’effet n’en fut pas moins important que ce qu’il aurait pu être à en voir les polémiques qui suivirent. Il adressa en effet une nouvelle lettre à Lucie Dreyfus dont il transmit une copie à Reinach pour publication s’il le jugeait utile (Robert*, p. 207) :

Madame,
Vous avez défendu l’honneur de votre mari avec une vaillance admirable, et la justice triomphante vous apporte une réparation due.
Pour aider les honnêtes gens à vous faire oublier tant de douleurs et tant de souffrances, j’invite votre mari à venir chez moi, au château de Marchais, dès que l’œuvre sainte de la justice sera accomplie.
La présence d’un martyr, vers qui la conscience de l’humanité tournait son angoisse, honorera ma maison » (presse du 3 et 4 ; voir aussi, au sujet de l’invitation, sa lettre à Reinach du 27 juin 1899, BNF n.a.fr. 13550, f. 53).

Et quelques jours plus tard, le 15 juillet, il écrivait au capitaine pour le soutenir :

Depuis longtemps j’affirme votre innocence parce que j’en suis aussi sûr que je suis sûr de ma conscience. Vous-même, en vrai soldat, vous l’affirmiez mieux que par des serments lorsque vous traversiez debout le champ du supplice.
Aussi les hommes justes sont avec vous ; et si des aveugles persistent à mépriser le sentiment qui anime l’élite de la nation, ils s’exposeront, j’en ai la certitude, à d’humiliants démentis.
Mais les juges suprêmes que vous avez demandés sont sûrs parce qu’ils savent que l’épée anoblit l’homme qui la porte, en symbolisant dans sa main la droiture et la force ; ils savent que leur nom contresignera le verdict d’où sortira pour la France une grandeur nouvelle faite de ses angoisses et de sa loyauté.
Dans l’espoir de la parole libératrice des juges, les âmes qui ne sont pas de pierre, admirent l’inévitable destin, en vous voyant ramené par la tempête qui chasse les erreurs et les fautes. Elles voient prochaine la fin d’un triste rêve, le dénouement qui montrera comment une armée consciente de son honneur rouvre ses rangs au frère d’armes grandi par la victoire de la justice.

À quelques jours de la fin du procès, il tenta, sans plus de succès, une nouvelle démarche auprès de Münster et de von Bülow pour les engager à faire une déclaration (Robert*, p. 210) et, après le verdict, le 15 septembre, il écrivit à nouveau à Lucie pour lui dire la « révolte » qui était la sienne après lui avoir envoyé, la veille, un télégramme pour l’assurer de sa conviction dans le triomphe final de la vérité (14 septembre).
À partir de 1900, après avoir en octobre précédent à nouveau invité le capitaine à venir séjourner en son Palais pour se reposer et reprendre vie (lettre de Reinach à Dreyfus, mahJ, 97.17.053.018), il transmit régulièrement à Reinach et aux Dreyfus les renseignements qu’il pouvait recueillir (voir Carnets 1899-1907, p. 49 et notice Annenkov). Le 7 décembre, Dreyfus lui écrivit pour l’engager à entreprendre une nouvelle démarche auprès de Schwartzkoppen (ibid., p. 62-63), démarche qu’en 1901 (Robert*, p. 215 ; lettre citée plus bas, en conclusion) et encore en 1903, après les échanges qu’il avait eus avec Reinach (Cassation II. II, tome 2, p. 96 et BNF n.a.fr. 13550, f. 78 sq.), il lui demanda à nouveau de tenter, estimant « qu’après la publication adressée par le prince de Münster à Reinach, où les relations de trahison d’Esterhazy avec M. de Schwartzkoppen étaient publiquement admises par l’ancien ambassadeur d’Allemagne à Paris, il n’y avait plus aucune raison de sentiment pour que l’Allemagne ne livrât pas les pièces énumérées au bordereau, prouvant d’une manière irréfutable la trahison d’Esterhazy ». Albert 1er lui répondit pour lui dire qu’il pensait la démarche vaine (« Il me semble impossible que le général de S[chwartzkoppen] reçoive aujourd’hui l’autorisation refusée précédemment ») mais qu’il la tenterait dès que cela serait possible : « dès que je supposerai à mon intervention le pouvoir suffisant pour déterminer un tel résultat, soyez persuadé que je m’empresserai de la diriger vers ce point. Vous le savez, le but de ma vie est, avant tout, de contribuer au progrès de la justice et de la civilisation parmi les hommes » (Carnets 1899-1907, 153-154).
En 1904, le 11 juillet, Albert 1er fut entendu sur commission rogatoire à l’occasion de la révision et vint témoigner que « dans [s]es conversations avec des personnalités étrangères à la France, et placées de manière à connaître la vérité, [il avait] toujours entendu affirmer nettement l’innocence du capitaine Dreyfus ».
En 1906, informé de la réhabilitation alors qu’il était en expédition vers la Norvège, il écrivit à Dreyfus pour lui faire part de sa joie d’une victoire qui était certes celle de l’honneur rendu à un homme mais était au final bien plus que cela :

Une conscience publique s’élève contre les haines religieuses, et les haines de races, haines absurdes devant le progrès des mœurs […]. Serviteur de la Vérité, de la Science et de la Justice, je suis heureux de voir ces trois forces de la Civilisation repousser, en vous délivrant, le retour offensif sur la généreuse terre de française, des influences mystiques et barbares qui ont soulevé tant de querelles vaines entre les peuples, comme entre les individus.
Recevez, mon cher Capitaine, mes vœux de bonheur pour vous et pour vos enfants que la sottise humaine a tourmentés jusque dans leur berceau.

Une « lettre si sympathique et si élevée d’idées » dont la lecture avait ému Dreyfus : « Nous avons eu le jour de la Justice, le jour lumineux de la Vérité triomphante et quelle plus noble récompense pour ceux qui, comme Vous, avec un admirable courage et une haute conscience ont contribué à l’amener (Robert*, p. 216-217).
Enfin, c’est de toute autre manière qu’Albert 1er s’engagea et rendit service à la cause. Il accueillit ainsi, en leur trouvant un emploi, Forzinetti (trésorier général de la principauté), l’abbé Pichot, Gaston Moch et Cornély ; le premier après sa révocation, le dernier, dont il sera membre du comité du monument en 1909 (après avoir versé 100 francs à la souscription ouverte par Le Siècle, 6e liste), après son limogeage par Labori. De même, quand Hervé de Kérohant se trouvera en difficultés après ses prises de positions révisionnistes, c’est à Albert 1er que les dreyfusards s’adresseront pour tenter de lui trouver une place (lettre sans date de Havet à Albert 1er, BNF n.a.fr. 24486, f. 45). 
Son goût pour l’archéologie et la recherche en sciences naturelles conduira le Prince Albert à créer, à Paris, l’Institut de Paléontologie Humaine (1903) et l’Institut Océanographique (1906) et, à Monaco, le Musée d’Anthropologie préhistorique (1901), le célèbre Musée Océanographique (1910) et le Jardin Exotique (1913). Nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences à l’Institut de France, et de la British Academy of Sciences en 1909, il est le fondateur de la Société de Biologie à Paris et de la Commission internationale pour l’exploration scientifique de la Méditerranée (1919).
À coté du soutien pour des manifestation artistiques (Théâtre, Opéra, Ballets de Monte Carlo) sous l’influence de la Princesse Alice, ou sportives (Rallye automobile, Sporting Club), Albert 1er dotera Monaco d’une constitution assez libérale en 1911. Pacifiste convaincu, il fondera aussi en 1903 l’Institut International de la Paix, prédécesseur de la SDN. Damien* (p. 358) rapporte un jugement du vieux compagnon du prince, le Dr Richard, qui semble bien résumer la personnalité d’Albert 1er : « un des aspects les plus marqués du caractère du prince était un amour profond de la justice. C’était un homme de bien et de bonne volonté ».
Dans sa grande étude, Jean-Baptiste Robert se demande si Albert 1er « n’a pas, quelquefois, éprouvé une pénible amertume » face à l’absence de réponse de Dreyfus à ses invitations à venir séjourner chez lui et, surtout, au « ton assez déplaisant » qui était le sien dans quelques-unes de ses lettres au souverain de Monaco (p. 222-223). Il vrai que le ton du capitaine était parfois un peu « raide » comme en témoigne cette lettre de mai 1901 : « J’espère donc, Monseigneur, qu’à votre prochain voyage, vous pourrez montrer la lettre que je vous ai adressée le 7 décembre dernier [Carnets 1899-1907, p. 62-63] et l’appuyer de toute l’autorité de Votre parole. Cette lettre était celle d’une victime innocente qui a le droit à la vérité ; peut-être éveillera-t-elle enfin cette voix qui depuis longtemps aurait dû se faire entendre pour donner les preuves indiscutables de la vérité […]. Je vous serais infiniment reconnaissant de vouloir bien me faire connaître, s’il y a lieu, le résultat auquel vous serez parvenu » (Robert*, p. 215). Un ton certes direct mais qui s’explique par le fait que Dreyfus avait le sentiment que s’il voulait agir, Albert 1er n’était en fait pas prêt à le faire. Lui ayant rendu visite avec Reinach en janvier précédent, il avait noté dans ses Carnets, parfaite synthèse de l’Albert 1er dreyfusard : « Le prince, très simple, très affable, possède une intelligence ouverte, une belle conscience, mais me fit l’impression d’avoir un caractère timoré » (p. 83).
Mais quoi qu’il en fût, c’est un véritable dreyfusard que fut Albert 1er et non pas un acteur engagé à son corps défendant, contraint de « marcher avec les éléments les plus importants du parti aux affaire », comme voulut le dire son curieux biographe, le comte de Colleville (Albert de Monaco intime, Paris, Juven, [1907], p. 257-259). 

Sources et bibliographie : sa déposition devant la Cour de cassation se trouve dans Cassation II. II, tome 3, p. 372-373. Les lettres aux Dreyfus (dont quelques-unes ne sont pas citées ici et à l’exception du télégramme de septembre 1899 conservé au Musée de Bretagne) se trouvent dans une collection particulière ; une minute, très variante, de celle adressée au capitaine, citée en partie, de juillet 1899, se trouve aux Archives du Palais de Monaco et a été mise en ligne sur le site Dreyfus réhabilité. La lettre d’invitation à Lucie, publiée dans la presse, se trouve aussi, en copie pour Reinach, dans BNF n.a.fr. 13550, f. 54). La lettre à Duclaux est conservée dans une collection particulière. On pourra aussi, non citées ici, lire deux lettres adressées par Albert 1er à Labori dans Labori p. 55 et 97 et une troisième, conservée à la BNF, sous la cote n.a.fr. 28046 (10), f. 21. La lettre évoquée de Zola est reproduite dans l’article, à consulter, de Jean-Baptiste Robert, « Le Prince Albert 1er et l’affaire Dreyfus », Annales monégasques, n° 19, 1995, p. 169-224  [p. 198] et dans Zola, Correspondance IX, p. 166. On trouvera aussi ses lettres à Reinach à la BNF sous la cote n.a.fr. 13550, f. 4-241 et quelques lettres à Flore Singer, dont celle dont nous donnons un extrait, dans Thomas Fouilleron, « Le prince Albert Ier et l’affaire Dreyfus », Histoire de Monaco, Principauté de Monaco, Direction de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2010, p. 268-271. On  pourra aussi se reporter à Raymond Damien, Albert 1er Prince souverain de Monaco, Villemomble, Institut de Valois, 1964. Enfin, Pour être exhaustif, notons aussi un très incertain « Le prince Albert de Monaco et l’affaire Dreyfus », de Roger Klotz-Villard (Recherches régionales, n° 145, p. 63-65) et le très particulier Albert de Monaco intime du comte de Colleville, dont les références sont données en conclusion..

Jean-Max Giueu et Philippe Oriol

 

 

Musee de Bretagne, Collection Arts graphiques

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