Sarah Bernhardt

Bernhardt, Sarah (Sara, Marie, Henriette, Bernhardt dite), comédienne française, née à Paris le 25 septembre 1844, décédée à Paris le 26 mars 1923*.

De ses débuts à la Comédie-Française en 1861 jusqu’à la veille de sa mort elle sut conquérir la faveur du public. Audacieuse, provoquante, ne reculant devant aucun scandale, elle fut de tous les combats. Pendant la guerre de 1870, elle aménagea à ses frais une ambulance et se consacra avec dévouement aux blessés. À partir de 1880, sa vie ne fut plus qu’un perpétuel ballet de par le monde. Son renom à travers de nombreux pays contribua au prestige français. Hugo, Dumas, Sardou, Rostand, etc. écrivirent pour elle des rôles sur mesure. Elle dirigea successivement les théâtres de la Porte-Saint-Martin, de la Renaissance et fonda en 1899 le théâtre Sarah Bernhardt (ancien théâtre des Nations). Sarah Bernhardt fantasque et lucide, éprise de liberté et de justice, toujours prête à secourir les plus défavorisés, fut naturellement touchée par le sort de Dreyfus. Ainsi écrivit-elle une lettre de soutien à Zola, dès la publication de son premier article sur l’Affaire, lettre que Zola présentera à son épouse comme étant d’un « emballement absolument fou » puis une seconde au lendemain de la publication de son « J’Accuse… ! » :

Laissez-moi vous dire, cher Grand Maître, l’émotion indicible que m’a fait éprouver votre cri de justice. Je ne suis qu’une femme et je ne puis rien dire moi, mais je suis angoissée, je suis hantée, et votre belle page d’hier a été pour ma réelle souffrance un réel soulagement. Je voulais écrire à Scheurer-Kestner pour le remercier au nom de l’humanité, mais sachant que tout est crime en ce moment pour cet homme admirable je me suis dit que si une artiste, que dis-je, une actrice était surprise en dévotion de son acte si courageux, on se servirait de cette découverte pour l’accabler. À vous que j’aime depuis si longtemps, je dis merci, merci de toutes les forces de mon intention douloureuse, qui me crie il y a un crime, il y a un crime ! Merci Émile Zola, merci Maître aimé. Merci, merci au nom de l’éternelle justice » (expo BNF).

Elle se brouilla même un temps avec son fils Maurice, alors antidreyfusard. Afin de marquer publiquement son engagement, elle décida, après avoir signé la protestation en faveur de Picquart (3e liste), au moment du procès de Rennes, de ne pas donner la représentation prévue à Rennes, montrant ainsi clairement sa position et aussi son refus de risquer de créer une diversion. Comme le souligne Jules Claretie : « C’est très beau ce qu’elle fait là ; elle perd une fort belle recette, et une ovation certaine » (Chincholle, « La journée à Rennes », Le Figaro, 18 août). À la mort de Scheurer-Kestner, elle enverra une couronne portant ces simples mots : « Hommage à Scheurer, l’apôtre de la Vérité » (cité in Sylvie Aprile, « Les Funérailles d’Auguste Scheurer-Kestner », Jean Jaurès, cahiers trimestriels, no 154, octobre-décembre 1999, p. 23) et, à celle de Zola, en 1902, elle souscrira à son monument (33e liste de la Ligue des droits de l’homme). De même, après l’attentat dont avait été victime Labori à Rennes, elle avait écrit à son épouse pour l’inciter au « courage » et l’assurer de « [s]a profonde douleur et de [s]on grand espoir » (Harvard, Ms Judaica 1.3, 153, f.3-4). Sarah Bernhardt consacra toute sa vie au théâtre et n’abandonna pas la scène malgré son amputation en 1915. Elle sut cultiver par les excentricités de sa vie intime, par sa diction particulière, sorte de mélopée musicale confinant à la monotonie, une popularité qui ne se démentie jamais. Sarah, première « star » des temps modernes, conçut sa vie comme une œuvre d’art.

Sources et bibliographie : on peut consulter : Ma double vie : mémoires de Sarah Bernhardt, Paris, éd. des femmes, 1980 et Portrait(s) de Sarah Bernhardt, ouvrage collectif sous la dir. de Noëlle Guibert, éd. BNF, 2000. La lettre à Zola, citée, est conservée à la BNF sous le côte n.a.fr. 24511, f. 168-169. La première, qui n’a pas été conservée, est mentionnée dans Zola, Lettre à Alexandrine 1876-1901, Paris, Gallimard, 2014, p. 274.

Sandrine Maillet

 

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