Pierre Beaupérin

Beaupérin, Pierre, Marie, cordonnier et syndicaliste français, né à Missillac (Loire-Inférieure) le 23 mai 1857*, décédé à Rennes (Ille-et-Vilaine) le 10 janvier 1922.

Victor Basch raconte qu’alors que les universitaires dreyfusards rennais étaient en quête de compagnons de lutte, « l’on nous parla des deux chefs ouvriers, Bougot et Beaupérin, des socialistes révolutionnaires, c’est eux qu’il fallait voir et gagner à notre cause » (Bulletin officiel de la Ligue des droits de l’homme, 31 août 1909, Congrès de Rennes, p. 1072). Effectivement Beaupérin fut un « chef » du monde ouvrier rennais, membre du Cercle d’Études sociales, d’inspiration allemaniste, délégué à de nombreux congrès entre 1894 et 1906, candidat socialiste à diverses élections (en particulier municipales et d’arrondissement) en 1895, 1896, puis en 1900 et 1904, secrétaire de la Bourse du Travail à partir de 1900. Il fut pourtant aussi l’exemple des réticences (relatives) de certains socialistes (rennais) devant la « question Dreyfus ».
Présent à la tribune lors d’une réunion électorale du député ex-boulangiste Le Hérissé en mai 1898, il l’écouta sans broncher tenir des propos violemment antidreyfusards et antisémites, qui, d’évidence, ne gênaient pas alors beaucoup les socialistes rennais. À la réunion du Cercle d’Études Sociales (A.M. Rennes, I 79, 13 décembre 1898) où furent annoncés les premiers contacts avec des universitaires dreyfusards, il avait encore manifestement d’autres préoccupations et demandait « que dans chaque quartier il y ait des sous-comités pour reprendre l’idée révolutionnaire ». De janvier à septembre 1899, ce furent Le Bras puis Bougot qui entraînèrent les socialistes rennais dans le combat dreyfusard. Beaupérin n’était pas parmi les quatre ouvriers participant à la fondation de la section rennaise de la Ligue des droits de l’homme en janvier 1899, et, plus significatif encore, selon un rapport de police, lors d’une réunion du Cercle d’Études sociales, début juillet, « il demande à Bougot de s’informer auprès de la Ligue pour savoir ce que celle-ci fera comme réponse aux antisémites relativement aux prospectus qui ont été distribués en ville montrant le péril juif »… Il ne réapparut dans les rapports de police qu’en novembre 1899, se plaignant alors de la faiblesse du Cercle d’Études Sociales de Rennes « car, dit-il, ici les bons s’en vont, tels que Las Poussas, et d’autres désertent les réunions ». Or ledit Las Poussas (employé au télégraphe, venu de Tours travailler à Rennes pendant le procès Dreyfus) était un partisan de GuesdeVaillant, très critique sur Millerand, et invitait les camarades rennais à ne pas « s’occuper d’affaires bourgeoises »…, c’est-à-dire évidemment à ce moment, de l’affaire Dreyfus. (A.M. Rennes, I 79,1/8 et 12/8/99).
Dans les années suivantes, Beaupérin toujours très actif et plusieurs fois réélu secrétaire de la Bourse du Travail (avant d’en devenir… le concierge à la fin de sa vie) fut surtout à l’origine, en 1911, du projet de création à Rennes d’une Maison du Peuple. Celle-ci fut inaugurée en 1925, trois ans après sa mort ; c’est là qu’en 1936 les grévistes rennais tenaient meeting ; la CGT y a toujours ses bureaux.

Sources et bibliographie : Sources et bibliographie : A.M. Rennes, I 79 ; A.D.I.V. 1 M 145 et 146 ; C. Geslin, Le Syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la Première Guerre mondiale. Espace-Écrits, 1990, passim ; C. Cosnier et A. Hélard, Rennes et Dreyfus en 1899, une ville un procès. Paris Horay, 1999, p. 36, 39, 112, 383 ; A. Hélard, L’Honneur d’une ville, Éditions Apogée, 2001, passim.

André Hélard

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