Edmond Archdeacon

Archdeacon, Edmond, homme d’affaires et homme politique français, né à Paris le 24 décembre 1864, décédé à Paris le 20 février 1906.

Edmond Archdeacon était le fils d’un riche agent de change parisien, d’origine irlandaise et d’opinions légitimistes. Grâce à la fortune héritée de son père et à ses vastes propriétés dans l’Yonne, il put vivre plus en rentier millionnaire qu’en homme d’affaires, habiter sur les Champs Elysées l’hôtel fastueux du duc de Morny et surtout faire de la politique à fonds perdus, en finançant avec une rare générosité les mouvements qui lui plaisaient, c’est-à-dire résolument hostiles à la iiie République.
Archdeacon fit ses débuts dans la politique à Tonnerre pour les élections législatives de 1893, comme candidat rallié contre le radical sortant, fut battu de peu et échoua encore en 1896 et 1898, tout en obtenant quelques mandats locaux dans l’Yonne. L’affaire Dreyfus vint alors transformer le conservateur placide en nationaliste ardent et, séduit par la personnalité et le programme de Déroulède, auquel il allait vouer toute sa vie un véritable culte, il adhéra dès le printemps 1898 à la Ligue des patriotes dont il se fit pendant cinq années l’inlassable mécène, sans que cela lui confère la moindre influence sur la ligne du mouvement. Ce fut notamment lui qui finança pour moitié, soit 25 000 francs, la tentative de coup d’État du 23 février 1899 à laquelle il participa personnellement, sans être inquiété par la suite. En 1901, il fournit également les sommes nécessaires au lancement de l’éphémère Drapeau quotidien.
Son mécénat ne se limita nullement à la ligue de Déroulède. Si, quoique antisémite proclamé (il souscrivit au Comité national antijuif ; 18e liste), il refusa toujours de subventionner les frères Guérin et souscrivit chichement au monument Henry (50 francs), il alimenta la caisse des royalistes (tout en se défendant d’être l’un des leurs), celle de Cassagnac, de la Ligue de la patrie française puis celle de l’Action libérale, si bien que la police put estimer à 925 000 francs ce que la politique lui avait coûté entre 1898 et 1902. Son hôtel particulier était aussi l’un des lieux de rencontre entre opposants royalistes, bonapartistes et nationalistes, mais là encore il ne semble avoir exercé aucune autorité sur la coalition d’opposition.
Tout en professant un solide antiparlementarisme, Archdeacon désirait ardemment et depuis longtemps entrer à la Chambre. Les élections de 1902 lui apportèrent enfin le siège tant désiré (dans le 1er arrondissement de Paris), mais à un prix particulièrement élevé : un demi-million de francs au total, dépensés en campagne électorale, cadeaux, subventions et surtout don à Syveton pour que la Ligue de la patrie française abandonne son candidat, Muzet, pourtant député sortant. À cette débauche financière parfois proche de la corruption, ses adversaires répliquèrent par les accusations rituelles de cléricalisme et celle, moins fondée, de ne pas être français, Archdeacon étant traduit audacieusement de l’anglais par archidiacre. Candidat du Comité national antijuif (à la souscription de laquelle il avait versé 2 000 francs ; 18e liste) et du Comité républicain nationaliste, et sur une profession de foi des plus simples (« Je suis républicain nationaliste, antisémite et plébiscitaire », Recueil Barodet 1902, p. 750), Archdeacon l’emporta au second tour, avec une large avance sur le radical Fernand Faure (7 477 voix contre 4 490). Tout au long de son mandat, membre du comité exécutif de la toute nouvelle Fédération nationale antijuive et, à la Chambre, du Groupe républicain nationaliste, fut un parlementaire pour le moins discret. Le 7 avril 1903, il vota sur l’ordre du jour Chapuis, après le discours de Jaurès et l’enquête annoncée par André, contre le gouvernement et pour la seconde partie « visant à ne pas laisser sortir l’affaire Dreyfus du domaine judiciaire ».
Déçu par l’échec de sa cause et l’inutilité de ses largesses, fatigué d’être traité comme quantité négligeable par ceux qu’il avait entretenus et atteint dès janvier 1903 de la maladie de cœur qui allait l’emporter, le nouveau député de Paris réduisit sensiblement ses activités et ses libéralités. Comprenant que la Ligue de la patrie française, où les questions d’argent manquaient singulièrement de clarté, n’avait plus d’avenir, il réserva peu à peu ses générosités à l’Action libérale, aux comités antimaçonniques et à la liaison dispendieuse qu’il venait de commencer avec une actrice ; en outre, son amitié pour Déroulède se relâcha nettement quand ce dernier fit campagne pour l’alliance anglaise que ce descendant d’Irlandais ne pouvait admettre. Si, en 1904, il imposa aux derniers nationalistes de défendre la mémoire de Syveton, malgré le peu d’estime que lui inspirait la victime, il avait dès ce moment pris quelque distance avec la politique active. Le 18 février 1906, il fut pris de malaise sur le champ de courses d’Auteuil et mourut deux jours plus tard.
Malgré sa discrétion et une intelligence de son propre aveu assez moyenne, Archdeacon a joué un rôle important au sein de l’antidreyfusisme politique. Se disant catholique et plébiscitaire, il était indifférent à la forme du gouvernement, pourvu qu’il fut autoritaire, et il crut dans les chances du nationalisme dont il fut, avec quelques autres (Boni de Castellane, Madame Lebaudy) et sans doute plus qu’eux, le grand bailleur de fonds jusqu’à l’effondrement de 1904.

Sources et bibliographie : Il n’existe aucune étude particulière sur le principal mécène de l’antidreyfusisme. On pourra consulter aux Archives de la PP, les affiches de sa campagne de 1902 sous la cote Ba 206.

Bertrand Joly

Wikipédia

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