Anquetin, Louis, Émile, peintre et affichiste français, né à Étrepagny (Eure) le 26 janvier 1861*, décédé à Paris en 1932.
Très lié aux peintres Toulouse-Lautrec et Charles Laval, Émile Bernard et Vincent van Gogh, mais aussi à l’écrivain et critique Édouard Dujardin dont il fut le condisciple au lycée de Rouen, Louis Anquetin fut un membre important du groupe impressionniste et synthétiste fédéré par Gauguin et prit une part active au Salon des Indépendants (1888), chez Le Barc de Boutteville avec les Nabis (1891) et chez Durand-Ruel avec les Rose+Croix (1892), de même qu’au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, où il exposa régulièrement de 1890 à 1914. Formé dès 1882 à l’atelier de Bonnat avant d’entrer chez Cormon, Anquetin fut avide de recherches picturales : la touche nerveuse de Delacroix, la simplification plastique de Degas, les effets lumineux de l’impressionnisme, les aplats du japonisme, les décompositions du pointillisme et du cloisonnisme furent pour cet artiste autant de tentatives pour élaborer un art expressif et suggestif dont Albert Aurier et Félix Fénéon saluèrent la force. Ce dernier compara la vision d’Anquetin « à celle d’un homme surgissant d’une cave obscure au milieu d’un champ de blé ensoleillé ». Au milieu des années 1890, rejetant l’impressionnisme et le symbolisme comme des blagues et refusant les écoles comme les théories, il revendiqua le culte du tempérament de l’artiste. Il afficha alors son intérêt pour l’œuvre de Rubens – on en retrouve des échos dans ses sujets, ses compositions, ses couleurs, sa technique du glacis… Jusqu’au début du XXe siècle, son œuvre fut marquée par cette inspiration rubénienne, dont se réclamaient aussi quelques artistes symbolistes amateurs de peinture baroque et flamande, dont Henry de Groux.
Pendant l’affaire Dreyfus, Anquetin signa l’Adresse à Zola, la protestation en faveur de Picquart (1ère liste) et, après la condamnation de Rennes, à l’adresse des « groupes de la jeunesse artistique, littéraire et sociale de France ». Il participa aussi avec onze autres dessinateurs (Cornillier, Gumery, Hermann-Paul, Luce, Manzana, Perroudon, Petitjean, Rault, Théo van Rysselberghe, Sunyer et Vallotton) à l’illustration de l’Hommage des artistes à Picquart en réalisant l’une des douze lithographies du recueil. Sa lithographie représente un jeune homme héroïque aux mains liées ayant réussi à terrasser un dragon, en une allusion à l’acte courageux de Saint Georges par lequel il entendait rendre hommage à Georges Picquart emprisonné (voir la reproduction donnée par Norman L. Kleeblattt éd., The Dreyfus Affair, Art, Truth and Justice, Berkeley, The University of California Press /New York, The Jewish Museum, 1987, p. 216, pl. 113).
D’après certains de ses proches (Monneret, p. 15), Louis Anquetin aurait presque abandonné la peinture dans les premières années du XXe siècle, pour se consacrer à l’affiche, dans une veine rappelant la manière de Daumier dont il promouvait l’œuvre de peintre et de lithographe, souhaitant qu’elle fût reconnue comme celle d’un grand artiste. En s’adonnant à l’affiche, il marchait dans les pas de son grand ami Toulouse-Lautrec, dont la mort en 1912 l’affecta durablement. On perd progressivement sa trace après le Salon d’Automne de 1912 où il exposait encore un tableau. Il publia un essai sur La Technique de Rubens en 1924. Quelques articles nécrologiques parurent toutefois – notamment dans le Mercure de France, par Émile Bernard. Le dictionnaire de Bénézit (édition 1976, vol. 1, p. 205) écrit qu’« hostile à son époque, il acheva sa vie solitaire et misanthrope ».
Sources et bibliographie : on consultera la notice biographique que lui consacre Sophie Monneret, dans son dictionnaire, L’Impressionnisme et son époque, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1987, vol. 1, p. 13-15. Son dossier de la Légion d’honneur est conservé sous la cote : 19800035/271/36211.
Bertrand Tillier