Andrieux, Louis, avocat, journaliste, directeur de journaux, publiciste et homme politique français, né à Trévoux (Ain) le 23 juillet 1840*, décédé à Paris le 27 août 1931.
Avocat (inscrit au Barreau de Lyon en 1863), puis procureur de la République, conseiller municipal de Lyon puis conseiller général (1875), député du Rhône de 1876 à 1885, fondateur du Petit Parisien en 1876, Préfet de Police de la Seine de 1879 à 1881, fondateur de La Révolution sociale (1880-1881), ambassadeur de France en Espagne (1882), directeur du Jour (1883), fondateur de La Ligue (1884-1886), candidat malheureux au Sénat (1885) puis député des Basses-Alpes de 1885 à 1889 et président du Conseil général, propriétaire, en 1889-1890, de La Petite République française, Andrieux qui avait été franc-maçon et avait été exclu en 1885 (Dictionnaire des FM, p. 75 ; Ligou, p. 49), fut successivement battu à Paris, sous l’étiquette « Républicain-révisionniste » en 1889, lors d’une partielle dans le Cantal l’année suivante, puis une nouvelle fois en 1891. Il revint alors au barreau de Paris. Après cet intermède, pendant lequel, lié à Drumont (il fut de la plupart des fêtes organisée par son journal, voir La Libre Parole, 21 avril 1897), il participa à l’éclatement du scandale de Panama, il posa sa candidature à l’occasion des législatives de 1898 à Digne contre Joseph Reinach avec qui il avait eu, déjà, en février précédent, une dure polémique au sujet d’un article signé d’un collaborateur de L’Écho des Alpes et pour lequel Andrieux lui avait envoyé ses témoins. Reinach ayant refusé la responsabilité d’un article qu’il n’avait ni écrit ni inspiré, l’occasion fut belle pour Andrieux, en une lettre donnée à L’Intransigeant, d’insulter Reinach tout en glissant quelques allusions à l’Affaire, à Judas et à ses trente deniers ainsi qu’au fameux Syndicat et à ses millions (« M. Andrieux et le sieur Reinach », 19 février). Candidat, il mena une active campagne tout entière axée sur l’Affaire, Reinach et les juifs « qui ont soulevé l’affaire Dreyfus et pris la défense d’un traître justement condamné » (« La Candidature de M. Andrieux acclamée », La République progressiste, 21 avril). Ainsi qu’il le déclara dans sa profession de foi, publiée dans La République progressiste qui lui était tout entière dévouée :
Hypnotisé par Dreyfus, M. Joseph Reinach ne voit plus qu’une question qui mérite d’occuper un représentant du peuple, celle de la réhabilitation du traître. Flétri par un vote de la Chambre des députés, flétri par un vote de la Commission de l’armée, flétri par un vote du Conseil général, il vous demande de vous associer par vos suffrages à ses criminelles intrigues contre l’armée et contre la patrie ; il vous propose sur son nom un plébiscite en faveur de Dreyfus ! Si vous m’accordez vos suffrages, résolu d’en finir avec les manœuvres du syndicat de la trahison, je voterai toutes les mesures nécessaires pour faire respecter l’autorité de la chose jugée, protéger l’honneur de l’armée et assurer la paix publique.
Et de finir par un vibrant :
J’accepte que les Juifs soient nos égaux ; je ne veux pas qu’ils soient nos maîtres » (5 mai).
Sur un tel « programme », il ne pouvait qu’être le candidat de La Croix de Provence : « Il n’y a pas pour nous l’obligation seulement de refuser nos voix à M. Reinach ; il faut, de plus, les donner au candidat qui est le plus apte à accomplir cette œuvre de salut public, j’allais dire de salubrité publique. Ce candidat, incontestablement, est M. Andrieux. Si son programme politique ne répond pas entièrement à nos désirs, sachons ajourner nos espérances à cause des intérêts majeurs qui sont en jeu. Pas d’hésitation, pas d’abstention : avant tout il faut nous délivrer du juif ; et quel juif ! » (cité par L’Écho des Alpes du 5 mai, « Les Candidat »). Arrivé premier au premier tour (avec 545 voix d’avance sur Roux, 1 248 sur Canton, 2 565 sur Reinach), il remercia ses électeurs de cet « écrasement du syndicat Dreyfus » : « tous les patriotes vous en sont reconnaissants […] » (La République progressiste, 12 mai). Il sera finalement battu au second tour par Roux et prendra congé de ses électeurs en se consolant de sa victoire, « accident » préférable à la « honte » qu’eût été celle de Reinach : « La partie importante de ma tâche est remplie. […] Rien n’est perdu, puisque l’honneur est sauf » (La République progressiste, 26 mai).
En 1899, il adhéra à la Ligue de la Patrie française (2e liste) et se représenta en 1902 à Paris, dans le 16e arrondissement. Candidat de la Fédération républicaine nationaliste, du Comité national antijuif, se définissant comme « républicain nationaliste » et « antisémite libéral », soutenu par la Ligue de la patrie française (L’Indépendant du Seizième, 20 avril, qui donne aussi le compte-rendu d’une réunion publique au cours de laquelle il détailla son programme) et par Quesnay de Beaurepaire (voir « Patronages suspects », La Démocratie rouennaise, 2 avril), il centra son programme sur l’amnistie pour les condamnés de la Haute-Cour : « […] la Patrie ouverte à tous les Français ; la Patrie soustraite à la domination des Juifs, des Francs-Maçons, et de tous les exploiteurs de République ; Opposition intransigeante au ministère Waldeck–Millerand et à tout ministère de concentration entre progressistes et radicaux » (affiche non titrée. Arch. PP. Ba 215). Il se désistera après avoir obtenu 3 135 voix, 550 voix de moins que Beauregard, contre qui, l’accusant d’avoir soutenu le cabinet Waldeck-Rousseau et de n’être pas antisémite donc d’être plus ou moins dreyfusard (« L’Écho de l’île du Diable », L’Indépendant du Seizième, 20 [sic pour 27] avril), il avait mené une vive campagne dans La Libre Parole (voir à partir du 12 décembre 1901) et dans L’Indépendant du Seizième (campagne à laquelle répondit sans plus d’élégance Beauregard dans Le Républicain patriote du xvie arrondissement). Pendant sa campagne, il n’avait pas oublié les Basses-Alpes, appelant ses anciens électeurs à préférer à « l’opportuniste » Fruchier le nationaliste Aubert, mais tout en le « ménageant » et en le considérant comme un « allié contre l’ennemi commun, Joseph Reinach » (« Une lettre », L’Indépendant du Seizième, 13 avril 1902).
En 1903, il sera élu sénateur des Basses-Alpes mais son élection sera invalidée. Battu le mois suivant, il ne se représentera qu’en 1910, à la Chambre, où il retrouvera son siège de député des Basses-Alpes perdu vingt ans plus tôt. Il sera régulièrement réélu jusqu’en 1924. Retiré alors de la vie politique, il se consacra à une thèse de doctorat de de lettres qu’il soutint, à 87 ans, en 1927. On rappellera aussi qu’il était le père de Louis Aragon.
Sources et bibliographie : Dossier de la Légion d’honneur : LH/36/90. Voir la préface de Jean-Paul Morel aux Souvenirs d’un préfet de police d’Andrieux, Paris, Mémoire du Livre, 2002. On pourra aussi lire le dernier chapitre de son À travers la politique. Mémoires (Paris, Payot, 1926) sur son aventure basse-alpine qui n’évoque aucunement ce que furent ses campagnes.
Philippe Oriol