Ancien normalien, un.
Auteur que nous n’avons pu identifier d’un ouvrage de 138 pages publié à Levallois-Perret, à l’imprimerie A. Munier, « en vente dans toutes les librairies » et intitulé : L’Imposture Esterhazy.
Elle avait pour objet de prouver qu’Esterhazy avait accepté de jouer « le rôle d’homme de paille […] pour favoriser le sauvetage du criminel ». La chose n’était pas nouvelle et avait été déjà soutenue par Bertillon dès la relance de l’Affaire en 1897. L’ancien normalien fondait sa démonstration sur les relations anciennes qu’avait pu avoir Esterhazy avec quelques personnalités juives mais, surtout, en analysant la correspondance connue de Dreyfus pour prouver comment il avait procédé dès le début pour fausser les expertises à venir s’il devait être découvert :
Le moyen, d’une simplicité élémentaire, consistera à ramener à chaque instant, dans ses lettres, dans ses notes, dans tout papier autographe quelconque, les mots du bordereau dont l’usage permet l’emploi à toute occasion, tels que : « nouvelles, cependant, vous, sans, ce, ces, cette, dans, sur, jours, voir, avoir, moins, sien, quelques, de, par, ma, etc. ». Quant aux termes de la pièce incriminée, dont l’usage est généralement rare, et dont la répétition artificielle trop fréquente risquerait d’éveiller les soupçons, il en prodiguera des contrefaçons par morceaux, en multipliant l’emploi de vocables polysyllabiques qui les contiennent, ou qui en renferment des « séquences », c’est-à-dire des suites ou groupes de lettres. Ainsi, à quels mots le fraudeur aura-t-il recours pour contrefaire le plus souvent possible le substantif « couverture » ? Il écrira à tous propos et hors de propos : « courage, coupable, courber, coups, cours, ouvert, couvert, découvert, vérité, souvent, déserter, perte, torture, nature, naturel, future, écriture, etc. » […] « artillerie » – mot deux fois employé – provoquera l’éclosion d’une foule de « martyr, part, départ, appartenir, famille, brille, mille, d’ailleurs, meilleur, tranquille, veuille, souille, pareille, rien, chérie, patrie, prie, varie, etc. » […] « hydraulique » nous vaudra « drame, voudra, physiques, tiendra, comprendra, publique, etc. »
Et l’ancien normalien pouvait ainsi nous expliquer « pourquoi toutes les lettres de Dreyfus sont non seulement farcies de répétitions, mais encore absolument vides de faits précis, de détails sur son existence, de souvenirs de sa vie militaire, de préoccupations relatives à la recherche de témoins ou d’arguments utiles pour sa défense ; pourquoi le fond de l’homme et du soldat se dérobe sous un ramassis extravagant de déclamations tellement banales ».
Philippe Oriol