Babelay, Louis, peintre (suisse ?), né vers 1867, date de décès inconnu.
Peintre animalier de peu de talent, il présenta, en collaboration avec Gustave Madelain, de mars à juin 1898, au Palais des Attraction, boulevard Bonne-Nouvelle, Histoire d’un traître, dont Raphaël Viau nous a lissé le compte rendu suivant :
Cola s’appelle l’Histoire d’un traître, bien qu’il aurait, été préférable d’intituler ce panorama-diorama Histoire d’un Juif ! C’est une série do douze tableaux peints à l’huile dans une note vigoureuse par MM. Louis Babelay et Gustave Madelain.
À contempler ces douze toiles, j’ai passé une bonne heure. Me voilà devant le premier point de vue : « Dreyfus, à la frontière franco-belge, remettant dos documents de la défense nationale à un officier prussien. ». Je n’étais pas à la frontière à ce moment-là, ni le peintre non plus, mais ça devait être ça. Dreyfus risque un œil peu rassuré et l’officier prussien a l’air enchanté. Pardi !
Deuxième tableau : Arrestation do Dreyfus par M. Cochefert, dans le cabinet du général de Boisdeffre. » M. Cochefert a les sourcils froncés, en accent circonflexe ; Dreyfus est couleur livarot ; quant au général do Boisdeffre, il semble dire à M. Cochefert : Débarrassez-moi de celte ordure judaïque, dare ! dare !
Troisième tableau : « Dreyfus au conseil de guerre. » Dreyfus exhibe pour la circonstance un teint verdâtre, couleur de ses espérances d’évasion future.
Quatrième tableau : [«] Dégradation du traître ». L’adjudant de la garde républicaine à cheval vient de briser l’épée du Juif, il regarde les quelques fragments do galons qui pendent encore à l’uniforme du dégradé et on lit clairement dans les yeux du brave sous-officier cette phrase : – Si je ne me retenais pas, je t’arracherais même ta flanelle !
Cinquième tableau : « Dreyfus expiant son forfait à l’île du Diable ». Bien verdoyante l’île !! jolis palmiers, rabane confortable et d’un style modeste. Le traître, assis sur une pierre moussue, contemple avec terreur une quinzaine de requins claquant des dents, tels des Youtres devant la table d’un goy. Un de ces squales s’enfuit à toute vitesse vers la pleine mer, et un des gardiens de Dreyfus, désignant la bête du doigt, lui dit, sans aucun doute :
–T’as raison, mon vieux.. V mange pas, t’en crèverais I
Trois ans s’écoulent. Nous voici en plein procès Zola.
Sixième tableau : « le Syndicat chez Zola ». Splendide réunion d’Hébreux. Reinach, frères [sic] Zadoc Kahn, Bernard Lazare. C’est Scheurer-Kestner qui préside. L’envie vient de jeter des carottes à ces sapajous, tant l’illusion est complète.
Septième tableau : « Zola écrivant « J’accuse!… » sous la protection de la Triplice ». Le grand pornographe, rouge comme Scheurer sortant d’un mauvais lieu, signe sa fameuse lettre au président de la République. Dans un nuage, les têtes de Guillaume, de François-Joseph et de Humberto, sourient aimablement.
Huitième tableau : « Le commandant Esterhazy, félicité par ses pairs », est entouré d’une foule d’officiers et de personnalités politiques. Dans toutes les bouches on devine ce cri : À bas les Juifs ! Vive l’Armée !
Neuvième tableau : « Zola en cour d’assises ». Le père de la Mouquette regarda le jury d’un air abruti, et les Jurés écœurés, se concertent entre eux, dans le but évident de ne pas le « rater ».
Dixième tableaux : « Condamnation de Zola ». Le goret littéraire est debout, pendant que le chef du Jury lit la sentence. Labori laisse sa tête pendre comme une gourde desséchée.
Onzième tableau : « Hécatombe de journaux dreyfusards devant la fontaine Saint Michel. » Des milliers do Français, ouvriers, employés, petits bourgeois, étudiants et soldats, dansent autour d’un feu de joie alimenté par dos feuilles judaïsantes et obscènes.
Tableau final : « La France et le peuple, à l’ombre du drapeau, chassant le traître. » Une fière déesse, brandissant un drapeau tricolore, met en fuite une bande énorme de Youtres de tout poil, dont la face huileuse exprime une frousse intense. Du pied la France enfonce dans la boue des sacs remplis d’or juif. Et, dans une apothéose, apparaissent les figures des grands patriotes : Édouard Drumont, Rochefort, Millevoye, Thiébaud et Déroulède. Voilà ce qui est donné de voir tous les jours depuis hier, boulevard Bonne-Nouvelle, 42 bis. C’est un signe des temps quo nous ne saurions trop enregistrer.
À quand le musée-galerie des traîtres et des voleurs célèbres d‘lsraël ? Seulement, voilà ! II faudrait au moins le Champ de Mars, pour installer une telle exhibition. (« Au jour le jour », 13 mars 1898).
Philippe Oriol