Barbier, Paul, Jules, poète, auteur dramatique et librettiste français, né à Paris le 9 mars 1825*, décédé à Paris le 16 janvier 1901.
Fils du peintre Alexandre-Nicolas Barbier, cousin germain du poète Auguste Barbier, il fut habitué dès son plus jeune âge à fréquenter les coulisses des théâtres. Ne se pliant pas facilement à la vie réelle, il passa souvent pour un original. Enfant, il écrivit sa première œuvre dramatique, La Voix de la France, puis en 1847 une de ses pièces, L’Ombre de Molière, fut représentée à la Comédie française. Dès lors ses drames et ses comédies en vers ou en proses, furent joués sur de nombreuses scènes parisiennes. Mais c’est surtout en tant que librettiste qu’il séduisit le public. Il composa des livrets pour Léo Delibes, Charles Gounod, Victor Massé, Giacomo Meyerbeer, Reyer, Ambroise Thomas, etc.. Longtemps président de la Société des auteurs dramatiques, il devint en 1887, directeur intérimaire de l’Opéra.
Décoré de la Légion d’honneur, Barbier, qui avait auparavant publié dans Le Siècle un poème dans lequel il comparait Dreyfus au Christ (22 février 1898), rendit sa décoration après la suspension de Zola le 28 juillet 1898. Une lettre de démission montre par la clarté et la fermeté de ses propos toute sa sobre dignité.
Il y a des hommes que la croix honore, tel votre très humble serviteur, il y en a qui honorent la croix, tel ce grand Zola qui suffit à laver la France de la boue dont la couvrent à l’envie tous les mauvais bergers qui prétendent la garder. Pour moi, j’estime qu’en présence de la mesure qui frappe M. Zola il n’y a plus qu’à se retirer d’un ordre dont il est exclu : je vous prie donc d’agréer ma démission de membre de la Légion d’honneur. J’éprouve autant de joie à vous rendre ma rosette d’officier que j’en ai eu à la recevoir. (Le Siècle du 29 juillet 1898)
Ainsi, commentait H. Dréan, des Droits de l’Homme : « s’il refuse plus longtemps de porter le ruban rouge, ce n’est point par goût des manifestations bruyantes, c’est par devoir de conscience, scrupule de légitime fierté, sentiment très net d’une noble et belle indépendance. Jules Barbier a compris que s’il gardait sa croix, après la radiation de Zola, il se rendrait moralement solidaire de la mesure prise contre l’illustre maître, etc. » (30 juillet 1898). Et comme l’écrira son fils à Dreyfus en 1906 :
Quelle joie en eût ressentie mon pauvre père qui, un soir, en pleurant, détacha pour vous de sa boutonnière cette croix d’officier de la légion d’honneur qu’il avait été cependant si fier d’obtenir, mais qu’il ne croyait plus avoir le droit de porter, quand on la retirait à Zola, l’admirable avocat de votre cause, qui était celle même de la vérité et de la justice. (collection Anne-Cécile Lévy-Ouazana).
Barbier, qui dans une lettre à Joseph Reinach, exprimait « toute la sympathie que m’inspire votre attitude et le profond dégoût que font naître en moi les inqualifiables procédés des militaires de profession » (lettre du 10 juillet 1898, BNF, n.a.fr. 13529, f. 10), adhéra à la fondation de la Ligue des droits de l’homme et signa l’Adresse à Dreyfus du (Le Siècle, 16 septembre). Nous n’avons pas trouvé trace de la signature qu’il aurait donné à la première protestation, comme le dit Reinach (I, p. 848). En revanche, il signa la protestation en faveur de Picquart (3e liste). Barbier, qui ne suivit aucun courant, dirigea sa vie selon sa conscience, mettant son talent d’écrivain au service de la paix et de la fraternité.
Sources et bibliographie : on pourra consulter son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : LH/110/51.
Sandrine Maillet