Aynard, Édouard (Mathieu Aynard dit), homme d’affaires et homme politique français, né à Lyon (Rhône) le 1er janvier 1837*, décédé à Paris le 25 juin 1913*.
Au moment où éclata l’affaire Dreyfus, Édouard Aynard était vice-président de la Chambre des députés et de l’Union libérale républicaine, un groupement lancé en 1889 (date de son élection comme député du Rhône) pour rassembler les républicains conservateurs. La caractéristique de ce groupe libéral, qui comptait une trentaine de députés à la fin des années 1890, était d’être très proche des milieux économiques. Grand homme d’affaires lyonnais, président de la Chambre de commerce de Lyon, régent de la Banque de France et animateur de l’Union coloniale française, Aynard se présentait comme l’archétype de ces grands patrons libéraux en lutte contre le radicalisme et le socialisme.
Aynard avait été informé aux premiers jours par Reinach de la conviction de Scheurer-Kestner (Reinach, I, p. 628 n. 2) et avait été outré des débats de 1895 à la Chambre sur la « race juive », débats « abject[s] et dégradant[s] (Bernard*, p. 93). Il ne fut pas pour cela un dreyfusard ni un révisionniste. Homme d’ordre comme la plupart de ses amis libéraux, il vota l’ordre du jour Lavertujon du 4 décembre 1897 (affirmant le respect de l’autorité de la chose jugée et rendant hommage à l’armée), la demande de poursuites judiciaires contre Zola, à la suite de « J’Accuse… ! » (ordre du jour de Mun), et l’affichage du discours de Cavaignac. Mais sa position s’infléchit ensuite dans un sens dreyfusard même si, toujours soucieux de ne pas troubler l’ordre, il se montra peu favorable à la manifestation parlementaire avant la fin de l’enquête de la Cour de cassation (lettre du 20 janvier 1899 de Poincaré à Lavisse, BNF n.a.fr. 25168, f. 482). C’est ainsi qu’il vota contre la loi de dessaisissement, cosigna (avec Barboux et Lachapelle) la lettre d’appel à l’apaisement du comité de l’Union libérale républicaine, publiée dans le Journal des Débats du 5 juin 1899, et soutint la proposition d’affichage de l’arrêt de la cour de cassation (ordre du jour Sembat). Le 26 juin, il fut l’un des rares libéraux à voter la confiance au gouvernement de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau (Journal officiel, Débats parlementaires, Chambre des députés, 27 juin 1899, p. 1692). Il condamna les violences d’Auteuil, et toujours encouragea le retour au calme. Membre de l’Académie des sciences morales et politiques, il refusa d’adhérer à la Ligue de la patrie française, contrairement à plusieurs de ses amis.
Après Rennes, il s’opposa à toute reprise de l’Affaire en votant les deux ordres du jour Chapuis des 22 mai 1900 et, après le discours de Jaurès et la promesse d’une enquête par André, du 7 avril 1903. S’il ne se prononça jamais clairement en faveur de Dreyfus, il vota néanmoins sa réintégration dans l’armée (il vota aussi celle de Picquart, s’opposa à l’ordre du jour Pressensé demandant que fussent flétris les coupables et s’abstint sur l’ordre du jour Réveillaud « rendant hommage aux artisans de la révision »). Son opposition à la « panthéonisation » de Zola (proposition de loi Breton) reflétait le conservatisme de la famille libérale, avant tout soucieuse d’ordre et de respect des institutions.
Sources et bibliographie : on se reportera à Mathias Bernard, La Dérive des modérés, Paris, L’Harmattan, 1998 ; on consultera aussi son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : dossier de la Légion d’honneur : LH/83/50.
Jean Garrigues