Beauregard, Victor, Paul, universitaire et homme politique français, né au Havre (Seine-Inférieure) le 13 octobre 1853*, décédé à Paris le 24 mars 1919.
Docteur en droit (1876), agrégé (1877), après avoir été nommé à Douai, il est nommé à Paris professeur d’économie politique à la faculté de droit, à l’École des hautes études commerciales, au Conservatoire des arts et métiers puis à l’École libre des sciences politiques (1910), Paul Beauregard qui, en 1891, avait fondé Le Monde Économique, s’était engagé dans la vie politique en 1898, élu député de la Seine sous l’étiquette libérale et intégra le groupe des Républicains progressistes.
Face à l’Affaire, il se comporta comme un homme d’ordre, surtout attaché à protéger l’autorité de la chose jugée et l’armée, ainsi qu’il l’avait annoncé dans sa profession de foi : « Répression énergique de toute tentative ayant pour but d’ébranler le respect dû aux institutions vitales du pays, et notamment à l’armée » (Recueil Barodet 1898, p. 670). Il se prononça par exemple en faveur de l’affichage du discours de Cavaignac, vota la loi de dessaisissement, puis s’opposa à l’affichage de l’arrêt de la cour de cassation (ordre du jour Sembat). Parmi les libéraux, on peut donc dire que Beauregard suivit une ligne particulièrement conservatrice. Au début de 1899, il fut même l’un des premiers adhérents de la Ligue de la patrie française (8e liste), qui tentait de regrouper le « parti de l’intelligence » au service de l’antidreyfusisme. Il s’opposa à la politique de Défense républicaine, parce qu’il refusait toute alliance avec les radicaux. C’est d’ailleurs pour la même raison qu’il figura en 1903 parmi les fondateurs de la Fédération républicaine. Après Rennes, il s’opposa à toute reprise de l’Affaire en votant les deux ordres du jour Chapuis des 22 mai 1900 et, après le discours de Jaurès et la promesse d’une enquête par André, le 7 avril 1903. À propos de ce dernier discours, il fut d’ailleurs le rapporteur de l’enquête qui avait été faite sur l’élection de Syveton qui en était à l’origine et pour laquelle il avait conclu à la validation.
En 1906, bien après les tumultes politiques de l’Affaire, il préféra s’abstenir lors du vote réintégrant Dreyfus et Picquart dans l’armée, s’opposa à l’ordre du jour Pressensé demandant que fussent flétris les coupables, s’abstint sur l’ordre du jour Réveillaud « rendant hommage aux artisans de la révision » et vota contre le transfert des cendres de Zola au Panthéon (proposition de loi Breton). De même, en octobre 1908, vota-t-il contre la condamnation des attaques contre la Cour de cassation après les campagnes de L’Action française et de L’Autorité (ordre du jour Dalimier).
Jusqu’au bout, il resta un antidreyfusard comme l’indiquent ses votes, ses réponses pendant la campagne pour sa réélection de 1902 à Andrieux qui l’accusait d’être dreyfusard, et sa profession de foi :
Je n’admets aucun état dans l’État. – Résolu, en franc libéral, à ne persécuter personne, je ne veux pas non plus que nous soyons persécutés. Les Francs-Maçons et les Juifs doivent être ramenés à n’occuper dans les fonctions publiques qu’une part proportionnelle à leur nombre. Il faut surtout réviser la loi sur la naturalisation, pour arrêter l’invasion cosmopolite qui risque de nous être funeste.
[…] La conscience publique exige impérieusement l’effacement des iniquités commises au nom du dreyfusisme, dans ces dernières années. L’amnistie pour tous les condamnés de la Haute-Cour est une œuvre de réparation nécessaire et urgente. (Recueil Barodet 1902, p. 800).
Jean Garrigues