Guyot de Villeneuve, Jean, Pierre, militaire puis homme politique français, né à Saint-Bouize (Cher) le 9 février 1864, décédé à Paris le 3 mai 1909.
Saint-cyrien (1882), élève de l’École de guerre dont il était sorti en 1891 capitaine breveté d’état-major, Guyot de Villeneuve, qui avait été envoyé en mission en Russie et au Turkestan, qui avait servi trois ans en Afrique et deux ans dans l’Est, écrivit à Syveton, le 19 juillet 1899, après la suspension d’un an dont l’universitaire avait été frappé : « Monsieur, / Vous venez d’être condamné par le conseil académique à une suspension d’un an. / Alors qu’on ne songe pas à inquiéter ceux qui, dans l’ordre social et religieux, sont loin de respecter par leur enseignement sectaire et passionné cette neutralité dont parlent les considérants de l’arrêt qui vous frappe, vous êtes condamnés pour avoir, en des termes élevés, chercher à élever chez vos élèves l’amour de la Patrie et de l’armée. / Une telle condamnation vous honore et doit vous attirer l’estime de tous les bons Français. / Je vous adresse ci-joint le montant du traitement que l’on vous enlève [4 800 francs]. / Ceci n’est pas un don que je prétends vous faire : c’est une dette que je vous paye et que je vous dois au même titre que ceux qui aiment la France et son drapeau. / Si, toutefois, vous ne croyez pas devoir accepter cette somme en votre nom personnel, je vous prie de la recevoir à titre de souscription à la Ligue de la patrie française dont vous êtes le trésorier » (« L’Affaire Dreyfus », La Liberté, 20 juillet 1899). Syveton refusa le don, le versa à la Ligue et Guyot de Vielleneuve fut frappé par le ministre Galliffet de 60 jours d’arrêt de rigueur. Le 30 novembre 1901, Guyot de Villeneuve démissionna de l’armée et écrivit, pour s’en expliquer, au ministre, le général André. Évoquant les dernières années, il parlait de la « détestable campagne » menée par « les ennemis de la Patrie et de l’Armée […] avec l’aide des agents de l’étranger », des « coquins parlementeurs »; des « intellectuels égarés », des « anarchistes », de « toute la presse étrangère », véritable « plan de désorganisation militaire » dont André avait été appelé à devenir « l’exécuteur ». Il ajoutait : « Cette besogne vous revenait de droit pour l’ardeur sectaire et jacobine dont vous aviez déjà donné des gages avant d’arriver au pouvoir, et pont n’était besoin pour l’accomplir de posséder des titres militaires auxquels vos patrons politiques n’ont certainement pas songé en vous désignant ». Et de finir en expliquant que c’était pour défendre l’Armée contre lui qu’il donnait sa démission » (« André et l’armée », La Libre Parole, 18 décembre 1901).
Il se consacra alors à la politique et prit part à la campagne de réunions publiques de la Ligue de la patrie française. En 1902, il se présenta aux législatives dans la 5e circonscription de Saint-Denis. C’est en ces termes qu’il présenta son action et son programme dans sa profession de foi : « Je me présente à vos suffrages avec la conviction d’accomplir le devoir qui incombe aujourd’hui à tous les bons citoyens : celui de travailler à défendre les intérêts menacés et la sécurité compromise du pays. / J’ai volontairement sacrifié, pour remplir ce devoir, une carrière déjà longue de vingt ans, et j’ai renoncé, dans le seul désir de mieux servir mon pays, aux avantages que mon avenir militaire me donnait le droit d’espérer. / Républicain et patriote, j’ai profondément ressenti les insultes faites au drapeau et les atteintes portées à nos libertés, et j’ai quitté l’armée pour être libre de combattre, avec tous les citoyens indépendants et désintéressés, contre les hommes pour qui l’affaire Dreyfus a été le marchepied du pouvoir, et qui le détiennent aujourd’hui au nom des Francs-Maçons, des Juifs et des Cosmopolites. / Sous prétexte de défendre la République, ils ont fait alliance avec ses pires ennemis, les collectivistes-révolutionnaires et les internationalistes. Ils ont désorganisé notre armée, diminué nos libertés, dilapidé nos finances, et par-dessus tout trompé le peuple auquel ils ont tout promis, et auquel ils n’ont rien donné. / Mon programme sera l’opposé du leur » (Recueil Barodet 1902, p. 840). Guyot de Villeneuve sera élu avec près de 1 500 voix d’avance.
En toute logique, le 7 avril 1903, après la relance de l’Affaire par Jaurès et l’enquête annoncée par André, il vota, sur l’ordre du jour Chapuis, contre la confiance au gouvernement et pour « ne pas laisser sortir l’affaire Dreyfus du domaine judiciaire ».
Le 28 octobre 1904, à la Chambre, il lança, en donnant lecture d’une partie des documents que Bidegain avait dérobés au Grand Orient et lui avait remis, l’affaire des Fiches. Jusqu’en 1906, il en abreuva la presse nationaliste et en édita une partie sous le titre La Délation maçonnique dans l’armée (Paris, Ligue de défense nationale contre la Franc-Maçonnerie, s. d.).
Membre du groupe de l’Action libérale, proche de la Ligue des patriotes, il eut, peu avant le renouvellement de 1906, un grave accdident d’automobile qui ne lui permit pas de se consacrer tout entier à la campagne qu’il avait à mener contre un difficile adversaire : Hector Depasse. Il sera battu et mourra, trois ans plus tard.
Sources et bibliographie : son dossier militaire est conservé au SHD sous la cote : GR 5Ye 73944.
Philippe Oriol