Alphandéry, Abraham, Charles, Fernand, magistrat français, né à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) le 28 décembre 1837*, décédé à Paris le 28 septembre 1910*.
Après avoir été substitut à Castellane et Forcalquier (1864-1865), procureur à Barcelonnette, Sisteron, Grasse et Draguignan (1867-1871), avocat général à Aix (1878), procureur général à Bourges (1882) puis près la Cour d’appel de Bordeaux (1883) dont il sera premier président en 1887, Alphandéry fut nommé conseiller à la Cour de cassation, pour succéder à Gustave Bédarridès, en 1894. Alphandéry, dont le nom avait été donné en février 1899 comme favorable à la révision du procès de 1894 (Reinach, II, p. 363 n. 1), fut appelé, à l’occasion de la seconde révision, à siéger dans la Commission consultative de révision qui se réunit le 24 décembre 1903 et décida à l’unanimité qu’il y avait lieu à révision (Reinach, II, p. 815 n. 2). Cela lui valut d’être bassement et violemment insulté par La Libre Parole du 2 décembre 1903 (« Les Six réviseurs » ; Libre Parole qui dès sa nomination à la Cour de cassation bien des années plus tôt s’en était pris au « magistrat juif » (A. Nangis, « Scandaleuses nominations » et « La carrière d’un magistrat juif », 5 et 6 mars 1894).
Dans ses souvenirs tout à fait délirants, le greffier Louis Ménard raconte que Ballot-Beaupré, à la fin de 1898, était venu le consulter en compagnie d’Alphandéry pour lui « demander un conseil ». Pensait-il qu’Alphandéry, en sa qualité de juif, « puisse siéger dans l’affaire Dreyfus » ? Ballot ne le pensait pas et Ménard soutenait que la décision ne pouvait concerner que le principal intéressé. Selon Ménard, la discussion aurait pris fin sur cette sortie d’Alphandéry, « juif [qui] se vantait d’être juif portugais » et qui « établissait toujours une différence entre les autres juifs et lui » : « “Que voulez-vous que me fasse ce sale Juif [Dreyfus] ? Je siégerai !” » (AN AB/XIX/5364, f. 322-323).
Sources et bibliographie : dossier aux AN : BB6 II 619 et dossier de la Légion d’honneur : LH/25/65 ; sa fiche de carrière au CAC sous la cote : 20030033/19 ; son dossier de magistrat au CARAN sous la cote : BB/6(II)/619. On pourra aussi consulter Pierre Birnbaum, Les Fous de la République, Paris, Fayard, Points Histoire, 1994, pp. 50-51.
Philippe Oriol