Ernest Babut

Babut, Ernest, Théodore, étudiant français, né à Nîmes (Gard) le 23 mars 1875*, décédé sur le canal Ypes-Yser, le 28 février 1916.

Fils de Charles Babut, pasteur, il était normalien depuis 1895 et préparait, sous la direction de Gabriel Monod (qui était le cousin de son père), un mémoire sur Saint-Martin et Sulpice-Sévère. Révisionniste, il fut un signataire d’une lettre ouverte à Zola après la publication de sa Lettre à la jeunesse, dont Le Temps et de nombreux journaux donnèrent les principaux passages :

Monsieur,
Votre lettre à la jeunesse n’est pas restée sans résultat. Après les réponses isolées qu’elle a fait naître, sans portée et sans force, puisqu’elles n’exprimaient que des sentiments individuels, quelques jeunes gens ont pensé qu’une réponse collective, si tardive fût-elle, était nécessaire.
…Nous ne savons si Dreyfus est innocent ou coupable. Nous ne voulons pas discuter le fond de l’affaire. Mais tous, nous voulons que celle-ci soit conduite à l’égal de toute autre affaire judiciaire.
Nous entendons qu’elle soit traitée avec l’impartialité, avec la hauteur de vues qui importe dans un pareil débat. Jugeant les faits avec la précision et la rigueur qui doit toujours en inspirer l’étude, nous estimons que, depuis deux mois, cette affaire a été conduite avec des procédés insoutenables.
Et d’abord, il y a une affaire Dreyfus. Qu’importent les arguties parlementaires, ou les colères ridicules d’une Chambre qui s’imagine qu’on résout une question judiciaire avec un ordre du jour emphatique ?
Il y a une affaire Dreyfus, et tout est venu contredire l’affirmation contraire, fût-elle ministérielle. Les premiers communiqués à la presse, les réponses du ministre au Parlement, enfin l’ordre d’informer contre un prévenu dont la culpabilité serait pour Dreyfus une présomption indéniable d’innocence, tout cela n’est-il pas né uniquement de l’affaire Dreyfus ?
………………………………………………………………………………………………………………………..
L’opinion publique ! Qu’est-ce aujourd’hui, sinon l’opinion de la presse ? Et quelle presse ! Mensonges impudents, fables incohérentes, insoutenables imputations de faux, contes de femmes voilées et de serviettes perdues aux contenus terrifiants, voilà le roman-feuilleton qu’on fait juger à la France !…
L’antisémitisme a fait dévier cette question. La religion ni la politique n’ont rien à voir ici. La justice ne connaît ni confessions religieuses, ni partis politiques. Un homme est-il innocent ? un homme est-il coupable ? Voilà la seule question à résoudre.
Mais si l’opinion est égarée, la faute n’est pas qu’à la presse. Deux sortes d’illégalités ont été commises. Un général enquêteur a-t-il refusé pendant quatorze jours d’examiner un bordereau, seule pièce qui fût la base du procès, du nouveau comme de l’ancien ? Serait-ce qu’à ce bordereau avaient été jointes naguère des pièces secrètes qui n’auraient été communiquées ni à l’accusé, ni à son défenseur ? Fut-il, en un mot, commis, non plus une simple illégalité, mais un crime judiciaire ? Voilà ce qu’il aurait fallu nier, et nous eussions aimé que celui qui est et se déclare l’honneur de l’armée vînt anéantir hautement de pareils soupçons.
C’est qu’hélas ! le gouvernement se sentait sans doute lié par d’autres illégalités, flagrantes celles-là. On évite toute perquisition au domicile du nouveau prévenu, et l’on fouille le domicile d’un témoin, en son absence. L’enquête est menée dans des conditions telles que le prévenu a l’apparence d’un prévenu volontaire, et que les interrogatoires semblent bien plutôt dirigés contre l’accusateur que contre l’accusé. Enfin, le gouvernement, sortant de son rôle, prend parti dans une affaire qu’il devait abandonner sans pression à la justice militaire. À la Chambre, puis au Sénat, on voit le ministre discuter l’affaire Dreyfus, affirmer qu’elle n’existe pas et trancher d’avance le cas soumis au juge.
(La lettre se termine par quelques considérations sur la raison d’Etat, comme si elle pouvait ê!re invoquée dans un pays libre !)

Par la suite, il signa la première protestation (1ère liste), protestation en faveur de Picquart (1ère et 4e listes) et sera aussi un des quatre auteurs d’Histoire des variations de l’État-major.
Par la suite, agrégé (1899), docteur (1904), diplômé de l’École pratique des hautes études (1908), il enseigna aux lycées de Valenciennes et le Laon puis à la Faculté des lettres de Montpellier où il sera titulaire de la chaire d’histoire du christianisme en 1910. Il mourra au front en 1916.

Sources et bibliographie : La lettre publiée en extrait dans Le Temps du 6 janvier 1898 a été donnée, dans une version plus longue mais encore incomplète dans Haime, p. 315-317. C’est elle que nous reprenons ici.

Philippe Oriol

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *