Baümler, Mathilde, agent d’espionnage, né en 1871, date de décès inconnue.
Maîtresse d’un espion allemand qui travaillait pour la France, Mathilde Baümler, qui avait eu des démêlés avec la justice allemande pour une affaire d’avortement, fut recrutée par Tomps. Après quelques temps, elle proposa à la France les services de son nouvel amant, Bayer, et d’un troisième ami. Mais n’étant pas d’une grande efficacité, la section de statistique leur retira tout subside et les trois compères se retirèrent à Nice (déposition Junck, Cassation ii. ii, t. 2, p. 27-29).
Dans leur numéro du 17 avril 1903, les journaux reproduisirent une interview donnée au journal belge Le Petit Bleu par Wessel, son époux, qui venait d’être arrêté pour espionnage. Wessel y déclarait qu’il avait obtenu une liste d’espion, dans laquelle figurait Esterhazy, et, qu’en accord avec quelques amis, il y avait ajouté celui de Dreyfus pour le vendre à l’État-major. Le témoin de Rennes Cernuscki n’aurait été ainsi qu’un « instrument, d’ailleurs inconscient », chargé de livrer cette pièce dont il ignorait tout. La Patrie du 17 avril, publia à son tour une interview de Mathilde Baümler qui parla d’une cassette, que possédait son mari, « contenant des pièces au sujet de ses relations avec les chefs du parti dreyfusiste » (« Les dessous de l’affaire Dreyfus »). À la suite de cette publication, Gabriel Monod, alors à Rome, publia dans le Giornale d’Italia une lettre que venait de lui envoyer Dreyfus et dans laquelle le capitaine démentait avoir jamais été en relation avec Wessel. Mathilde écrivit alors à Monod pour lui affirmer nettement «
n’avoir jamais dit que nous ayons été, mon mari ni moi, en relation avec M. Dreyfus, et [que] jamais non plus nous n’avons entendu dire que le nom de Dreyfus soit connu dans les milieux d’espionnage.
Je déclare en outre que jamais, mon mari ni moi, nous n’avons été en rapport avec la famille Dreyfus, ni avec M. Reinach, ni avec aucune personnalité dreyfusiste avant ni après 1899 ». À la suite, Mathilde affirmait que son mari « n’a pas pris part au marché » qu’évoquait Le Petit Bleu et que « si nous avons connu les négociations, nous ne sommes pas tombés assez bas pour nous associer à un contrat intime qui vendait la vie même d’un innocent » (Le Temps, 29 avril 1903. Reprise dans Cassation ii. ii, tome 3, p. 90).
À l’occasion de la seconde révision, elle fut interrogée à cinq reprises, témoignant des propos qu’aurait tenus à son mari, en 1899, devant elle, propos selon lesquels « il y avait de l’argent à gagner à l’État-Major français en trouvant quelqu’un pour faire un faux témoignage devant la Cour de Rennes » (p. 107) et que pour ce faire il aurait contacté Cernuscki. Przyborowski, qu’elle avait présenté à l’État-major et qu’elle avait mis en cause dans sa déposition, nia et Mathilde Baümler persista dans ses déclarations. Un peu plus bavarde dans sa cinquième déposition, elle affirma que Przyborowski avait aussi parlé d’Adamovitch, qui aurait été son complice pour mettre au point le faux-témoignage de Cernuscki, et que tout cela, cette « affaire avec le général Mercier », leur avait rapporté 30 000 francs (p. 128).
Sources et bibliographie : ses dépositions lors de la seconde révision ont été publiées dans Cassation ii. ii, tome 3, pp. 107, 111-112, 115-116, 123-124, 127-128..
Philippe Oriol