Adrien-Dubé (prénom inconnu), publiciste français, né en 1831, décédé à Paris le 3 ou 4 juillet 1915.
Adrien-Dubé, membre du Comité catholique du IIIe arrondissement de Paris, publiciste à L’Univers, s’installa aux Sables-d’Olonne après le siège de Paris et y fonda, en 1886, L’Étoile de la Vendée, journal catholique dont le sous-titre, à partir du 27 août 1893, devint « le franc-maçon voilà l’ennemi ». S’il ne s’intéressa pas à l’Affaire de 1894 à 1896, tout occupé à dénoncer les crimes maçonniques qu’il voyait partout, il écrivit son premier article sur la question en décembre 1897. Pour lui, l’Affaire, et parce que tous en parlaient alors, était le signe de « l’enjuivement de la France » dont le grand responsable était bien évidemment le franc-maçon :
Eh bien ! celui qui m’apparaît le plus odieux, le plus criminel, dans ces ignominies de l’affaire Dreyfus, ce n’est pas le Juif, c’est le Franc-maçon qui a livré la France aux Juifs comme Judas avait livré le Christ. Le Juif est fourbe et rapace, parce qu’il est de race fourbe et rapace. Sans doute il y a d’honorables exceptions, mais il marche dans la canaillerie presqu’invinciblement poussé par la fatalité de l’atavisme : il est nuisible parce qu’il est Juif, et fils de Juif, comme le loup est féroce parce qu’il est loup et fils de loup, comme le requin est féroce parce qu’il est requin… tandis que le franc-maçon baptisé et fils de baptisé, est fourbe et rapace par dépravation personnelle, et volontaire ; et c’est par dépravation personnelle, volontaire, qu’il a trahi la France en la jetant, par haine du Christ, dans les mains du Juif, en la courbant, sous l’omnipotence du Juif. (« L’Enjuivement », 5 décembre 1897).
S’il préféra ignorer la parution du « J’Accuse… ! » et l’engagement de son auteur, dont il ne parlera que plus tard – « romancier vendu aux juifs » (« Œuvre de Dieu et œuvre des hommes », 7 avril 1898) –, le procès Zola lui fut l’occasion de reprendre au refrain son air préféré. Célébrant les « héros de loyauté et d’honneur » que sont « les Boisdeffre, les de Pellieux, les Mercier, les Gonse, les Paty de Clam, les Ravary, les juges du Conseil de guerre de 1894, et ceux du Conseil de Guerre de 1898 », il expliquait que c’était sur ce « blason de l’armée […] toujours radieux » dont les noms précités étaient les figures, que le dreyfusisme, « une des pustules les plus infectes du régime maçonnique », avait « déposé son suintement ». Dans ce même article, il signalait à ses lecteurs quatre noms « qui a des degrés divers, font ombre dans le blason : celui de l’abominable traître, que ma plume se refuse à écrire, ceux du colonel Picquart, du général Billot, ministre de la guerre, et du commandant Esterhazy ». Esterhazy, innocent, « victime d’une odieuse machination des,juifs » mais peu sympathique et au final peu militaire ; Picquart, faussaire, peu sincère, se défendant misérablement ; et Billot, franc-maçon, et « infecté jusqu’au moelles, du poison dreyfusard » (« Le crime du régime maçonnique », 17 février 1898). BIllot était pour lui le grand responsable, sentiment que la cassation du procès Zola renforça. N’était-ce pas à cause de lui que la Cour de cassation avait pu « casser le jugement de la Cour d’assises qui condamnait le syndicat judéo-maçonnique » ? (« Élections législatives du 8 mai 1898 », 8 mai).
À l’occasion des élections de mai, il soutint ardemment les candidatures conservatrices, « véritable tableau d’honneur de la Vendée » : Biré, de Baudry d’Asson, Paul Bourgeois, de Fontaines (« Élections législatives du 8 mai 1898 », 24 avril) et appela, pour la première circonscription des Sables où ne se présentait pas de conservateur, à soutenir l’insatisfaisant Gautret pour « faire échec au franc-maçon sectaire », Batiot (« À nos amis », 8 mai), à celui que ne préoccupait ni « l’accaparement de la fortune nationale par un syndicat de juifs cosmopolites, ni l’agitation Dreyfusienne, danger imminent pour la paix » (« L’affiche électorale de M. Batiot, 5 mai). Par la suite, Adrien-Dubé se fit un devoir de parler le moins possible de l’Affaire, « ce calvaire où les Juifs […] crucifient [la France] ». La mort d’Henry l’obligea à le faire pour, tout d’abord, proposer une explication que sa monomanie lui souffla : comment un si honorable officier avait ainsi pu commettre un faux et se donner la mort ? Et d’expliquer que « Déjà la propagande des Loges dans l’armée a été signalée : le poison maçonnique y aurait-il contaminé quelques consciences ? » Mais il ne la retint pas et proposa au final une autre explication :
Ah ! ne cherchez pas autre part que dans l’absence de Jésus qui n’a pas eu sa place dans cette âme, de ce Jésus que l’Église appelle « LUX VERA » « Lumière véritable ». – Supposez le Colonel Henry éclairé par la foi sur ses devoirs, fortifié par elle pour les remplir, et la France et l’Armée n’auraient pas à pleurer aujourd’hui sur cette épouvantable catastrophe ! (« Le lieutenant-colonel Henry », 4 septembre).
Dans le numéro suivant, il revint sur la question après les nombreux ralliements à la révision, « anarchie déchaînée » :
Quel est donc le secret de cette anarchie ? – Ah ! ne le cherchez pas ailleurs que dans l’alliance de ces deux judas : Dreyfus judas de la synagogue, Brisson judas de la Loge ; ne le cherchez pas ailleurs que dans l’accouplement de trahison, la trahison juive menée par le syndicat des dreyfusards, la trahison maçonnique menée par Brisson. (« Trahison judéo-maçonnique », 8 septembre).
Traîtres à la France et traîtres à Dieu qui donnait une leçon, expliqua-t-il, « à cette société révoltée contre Lui » (« Campagne révisionniste et plan maçonnique, 18 septembre). Jugeant la révision comme une violation de la loi (« Le fumier », 23 octobre 1898) fondée sur le mensonge (« Politique de mensonges », 6 novembre), le dessaisissement du conseil de guerre appelé à juger Picquart comme « un coup d’État judiciaire (15 décembre ; voir aussi « Panama judiciaire », 12 janvier 1899), Adrien-Dubé se félicita du vote de la loi de dessaisissement (« La Cour suprême », 16 février). Et de Rennes, qu’il prévoyait comme un « étouffement du crime dreyfusard » (« Justice républicaine », 9 juillet 1899), il se contenta de se réjouir du verdict :
Tous les bons français salueront avec admiration et vive reconnaissance ces juges militaires, hommes d’honneur, de courage et de devoir, qui viennent de soulager la conscience française en infligeant au traître, que le ministère Waldeck–Galliffet–Millerand voulait sauver à tout prix, la juste punition de son crime. (« L’Affaire Dreyfus. La condamnation », 14 septembre).
Il fut en revanche moins satisfait de la grâce, signal donné par Loubet « de la révolte contre l’arrêt prononcé par les juges ! » (« Le traître grâcié », 24 septembre). S’il se taira par la suite, silencieux tout autant en ce qui concerne la réhabilitation que la nomination de Picquart à la Guerre ou la panthéonisation de Zola, il reprit la parole à l’occasion du procès Grégori tout en expliquant qu’il aurait préféré ne pas le faire mais qu’il y était contraint par « les souteneurs du régime maçonnique […] si furieusement emballés de colère et de dépit contre l’Église ». Pour lui l’acte de Grégori était « blâmable » puisque « la loi divine, et après elle la loi des hommes interdit toute violence » mais justifié dans la mesure où il était une réponse au « transfert solennel, au Panthéon, des restes de l’écrivain Zola, pornographe saligaud, antipatriote, antifrançais, et défenseur du traître Dreyfus, deux fois condamné par les conseils de guerre et finalement mis hors de cause par un faux absolument criminel de la Cour de Cassation » (« L’acquittement de M. Grégori », 20 septembre 1908). Un mois plus tard, il reviendra sur la question pour célébrer la « belle attitude » de Pierre Biétry et la « vibrante » protestation de Cuignet contre le « monstrueux arrêt d’acquittement du traître Dreyfus, […] scandale qui planera, ineffaçable déshonneur, sur la haute magistrature de la troisième république » (« Sauvageries dreyfusardes », 25 octobre).
Revenu à Paris au tournant du siècle tout en conservant son poste de rédacteur-en-chef, il démissionna l’année précédent son décès.
Philippe Oriol