René Bérenger

Bérenger, René, magistrat et homme politique français, né à Bourg-les-Valence (Drôme) le 22 avril 1830*, décédé à Paris le 29 août 1915*.

Docteur en droit (1853), substitut à Evreux (1854), procureur à Bernay puis à Neuchâtel (1855), substitut du procureur à Amiens puis à Dijon (1859), avocat général à Grenoble (1862) puis à Lyon (1867), il connut la prison après le 4 Septembre et avait été représentant de la Drôme à l’Assemblée nationale en 1871 (et jusqu’à 1876) et, en 1873, pendant quelques jours, ministre des Travaux publics. Sénateur inamovible depuis 1876, il est l’auteur de la célèbre loi de 1891 sur l’atténuation et l’aggravation des peines.
En 1896, ce « ferme républicain, tout en étant républicain conservateur » et « très ferme catholique » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 28 février 1899, p. 194) fut le premier auquel Lazare rendit visite, pensant que « le légiste serait révolté par le coup de la pièce secrète ». Bérenger le « reçut mal », lui déclarant « même qu’il était contrarié de [l]e voir ». S’il fut toutefois troublé par la révélation de l’existence de la pièce secrète, il refusa d’y croire et s’il accepta, à l’invitation de Lazare de recevoir Demange, il « ne fit rien » (Lazare, Mémoire à Reinach, p. 252).
Au début de 1898, fidèle à ses anciennes amitiés, il fut un des 80 sénateurs à voter pour Scheurer-Kestner candidat à sa propre succession à la vice-présidence (Reinach, I, p. 845 n. 1) et, par la suite, vota, « [s]e séparant de [s]es amis » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 13 décembre 1906, p. 1112), contre la loi de dessaisissement, « loi d’exception , « infraction absolue aux principes », « indign[e] du caractère français », faiblesse d’un gouvernement qui a cru « qu’il fallait satisfaire aux sentiments de l’armée » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 28 février 1899, p. 194, 195, 197 et 198), loi qu’il combattit à la tribune, et vota pour la condamnation des incidents d’Auteuil.
Après avoir présidé la commission de la Haute-Cour chargé d’instruire contre les nationalistes accusés de complot, il vota l’amnistie et, en 1906, après la cassation du procès de Rennes, pour ne pas se séparer complètement et définitivement de ses amis, s’abstint sur le vote relatif à la réintégration de Dreyfus et de Picquart et lors du vote relatif à l’érection, au Sénat, des statues de Scheurer et Trarieux (résolution Monis). De même, en décembre suivant, il vota contre le projet de transfert des cendres de Zola au Panthéon (proposition de loi Breton) et avait, au cours du débat, pris la parole pour s’opposer à une panthéonisation qui n’était à ses yeux en aucun cas celle de Zola mais, à travers lui, celle de l’affaire Dreyfus. Un « retour offensif » qui ne pourrait, avait-il expliqué, que « réveiller les passions à peine éteintes », que « ressusciter cette néfaste affaire » et faire courir le risque au pays, à travers la cérémonie publique qui en serait la manifestation, « de faire descendre l’affaire dans la rue » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 13 décembre 1906, p. 1111-1113).
Bérenger ne fut certes pas dreyfusard et, s’il reconnaissait que « des fautes ont été commises » et, superbe litote, que quelques-uns des chefs de l’armée « n’ont pas toujours eu la prudence nécessaire » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 28 février 1899, p. 198), il ne fut pas pour cela antidreyfusard dont il refusa les groupes et les ligues, comme celle de la patrie française qu’il considérait comme n’ayant pu s’installer dans l’opinion « que par une équivoque » (Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, 28 février 1899, p. 197). Pour lui, comme il l’avait dit dans son discours contre la loi de dessaisissement, une question le préoccupait, question « que tant de gens se posent depuis si longtemps avec angoisse » : « Le condamné dont le sort s’agite aujourd’hui, a-t-il pu réellement se défendre ? Oui, au milieu des obscurités accumulées sur cette douloureuse affaire, après quatre ans, nous sommes à nous demander encore si cet homme accusé du crime le plus grave et frappé d’un châtiment horrible, rendu plus horrible encore par la manière dont il a été aggravé, a pu réellement se défendre contre l’accusation qui l’a perdu » (idem).

Sources et bibliographie : son discours au sujet de la panthéonisation de Zola a été repris dans Cassation II. V, tome 2 p. 651-658. On pourra consulter son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : LH/186/9 ; sa fiche de carrière au CAC sous la cote : 20030033/21 ; son dossier de magistrat au CARAN sous la cote : BB/6(II)/30.

Philippe Oriol

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