Bellet, Pierre, Daniel, publiciste français, né à Saint-Julien-de-l’Escap (Charente-Inférieure) le 30 juillet 1864*, décédé à Maisons-Laffitte le 11 octobre 1917.
Membre de très nombreuses sociétés savantes, auteur d’un premier volume publié chez Alcan et intitulé Les Grands ports maritimes de commerce, Bellet, avant l’Affaire, collaborait aussi à de nombreuses revues : La Nature, Le Journal de la jeunesse, Les Annales économiques, Le Magazine français illustré, Le Magasin pittoresque, Le Musée des familles, Le Génie civil, Le Journal de l’agriculture, La Vie scientifique, la Revue universelle des inventions nouvelles, Le Génie moderne, Le Journal des voyages, L’Économie française, Le Moniteur maritime, La Science illustrée, La Souveraineté nationale, Le Journal des économistes, etc. C’est en donnant pour titre sa collaboration à cette dernière publication qu’après la seconde condamnation de Dreyfus, il avait écrit au colonel Jouaust pour lui dire qu’il « serai[t] très obligé à Monsieur le président du conseil de guerre de vouloir bien transmettre [s]es hommages aux deux, officiers ayant voté l’acquittement » (« L’affaire Dreyfus », Le Siècle, 7 octobre 1899). Auparavant, il avait écrit à Lucie Dreyfus à trois reprises : en septembre 1898, au lendemain de la mort d’Henry, pour lui dire son soutien et lui faire savoir qu’il était de ces « cœurs [qui] battent des mêmes angoisses que votre cœur meurtri » (5 septembre 1898). Puis à nouveau au début de février 1899, au lendemain de la discussion à la Chambre de la loi de dessaisissement :
La France tient décidément à se déshonorer complètement, et elle applaudit ce Président de la République, ce Président du Conseil, ce soi-disant Ministre de la Justice qui la font descendre dans la boue, pour cacher leur participation au moins passive dans le crime le plus honteux qu’on puisse imaginer.
J’éprouve une joie âpre à voir avec quelle justice vengeresse on juge au dehors ces hommes néfastes et la lâcheté de mes compatriotes mais ce n’est point tout cela qui vous rend le pauvre martyr dont je viens de lire les lettres.
Que pouvons-nous, au milieu de cette tourbe de gens sans aucun sens de ce qui est droit ni de ce qui est inique ? Et, me désespérant dans mon impuissance, c’est un soulagement pour moi et pour ma femme que de vous dire que nous souffrons avec vous. (13 février 1899).
Et enfin, en septembre suivant, au lendemain du verdict de Rennes : « Honnêtes gens indignés nouvelle monstrueuse iniquité abandonneront pas lutte » (9 septembre 1899).
Nous n’avons guère retrouvé dans ses articles – la vulgarisation scientifique s’y prêtant peu – de mentions de l’Affaire, à l’exception toutefois, dans Le Journal des économistes d’octobre 1899, de ce petit paragraphe à l’ironie mordante donné en introduction au compte rendu de l’ouvrage de Persifor Frazer intitulé : Des Faux en écriture et de l’écriture. Méthode scientifique nouvelle d’analyse et d’examen (Guillaumin et Cie) :
Nous ne sommes plus heureusement à l’époque où un juge osait dire, sans doute pour faire comprendre la puissance plutôt que la majesté de la justice : « donnez-moi deux lignes de l’écriture d’un homme et je me charge de le faire pendre ». Les temps ont marché depuis lors, la Révolution, la grande Révolution et ses immortels principes sont passés par là, ils sont même si bien passés, qu’on les perd quelque peu de vue. Et certains de nos tribunaux, faisant mieux que leurs devanciers, condamnent un homme sur deux lignes (ou même davantage) d’une écriture qui n’est pas la sienne, qui est reconnue par la plus haute juridiction civile et militaire de notre pays comme étant celle d’un autre. On conviendra qu’en semblable occurrence une méthode nouvelle et scientifique d’analyse et d’examen de l’écriture doit être la bienvenue de tout le monde, surtout si elle permet aux juges de s’instruire sur la manière d’attribuer scientifiquement aux gens gênants l’écriture de leur voisin. (« Comptes rendus »).
Par la suite, Bellet publiera de nombreux ouvrages, collaborera plus que jamais à une impressionnante multitude de titres de presse et enseignera à l’École des sciences politiques, à l’École des hautes études commerciales, à l’École commerciale de la rive gauche et aux Écoles normales de Versailles.
Sources et bibliographie : on consultera aussi son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : LH/171/37. Ses lettres à Lucie sont conservées au Musée de Bretagne (la deuxième est du 13 et non 18 comme le dit la notice).
Philippe Oriol