Bazin, Raymond, poète et publiciste français, né à Pont-l’Évêque (Calvados) le 9 juillet 1866*, décédé à Dieppe le 20 février 1926.
Principal clerc d’avoué, une temps agent d’assurances, poète amateur qui aimait envoyer aux journaux de sa ville ses créations pas toujours très heureuse, auteur en 1890 d’À travers les rues de Dieppe, nous ne savons pas – la collection étant hors d’usage à la BNF et lacunaire aux AD – ce que put écrire Raymond Bazin, fondateur en juin 1894 et directeur de La Vallée d’Auge, sur le cas du capitaine Dreyfus arrêté et condamné. En janvier 1895, toutefois, disant le bilan de l’année passée, il pouvait noter que l’année finissait « par le juste châtiment d’un traître » (« Chronique politique », 10-17 janvier).
S’il ne jugea pas utile d’en parler en 1896, quand la famille tentait de la relancer, l’Affaire revint sous sa plume à la fin de l’année 1897 : « Campagne abominable », « syndicat sans vergogne »… Il put se réjouir de la fermeté du gouvernement et du vote de la Chambre qui avait soutenu ses paroles et formait des vœux pour que « cette écœurante affaire » soit oubliée jusqu’au procès Esterhazy : « La comédie a trop duré, il serait temps d’y mettre un frein !… » (« Chronique », 10-17 décembre). Le verdict qui blanchissait Esterhazy, justement, fut pour lui « l’effondrement lamentable du louche syndicat qui tentait depuis quelques mois de jeter le doute dans les esprits, le trouble dans les consciences […] ». Il n’était que temps, écrivait-il, « de mettre un frein aux machinations [des] défenseurs » du traître, au risque « de nous faire assister, nous mêler peut-être à une guerre religieuse, une bataille de sectes […] ». « À qui fera-t-on croire maintenant que Dreyfus a été accusé, jugé et condamné parce qu’il était juif ! C’est tout simplement idiot », ajoutait-il. Et, s’adressant aux « amis de Dreyfus le traître », il concluait par ces mots : « Aveugles que vous êtes, vous ne voyez donc pas que la France vous maudit déjà et que dans les acclamations qui accueillent l’arrêt du conseil de guerre, il se détache un mot que l’écho vous renvoie : “Canailles !” / Vous n’êtes pas dignes d’être Français ! » (« Chronique », 14-21 janvier 1898).
Après « J’Accuse… ! », « factum stupide », qu’il considérait comme « de la démence… ou du commerce » (« Chronique », 21-28 janvier), il ne douta pas un instant que le jury qui serait appelé à répondre à ses insultes n’apprît bientôt à Zola, « instrument docile du syndicat » (« Toujours M. Zola », 18-25 février), à « connaître cette loi qu’il semble ignorer et par un verdict sévère [mît] fin à cette campagne abominable qui écœure le pays et trouble profondément le cœur de tous les bons Français et des vrais patriotes ! » (« Chronique », 11-18 février). Le verdict qui fut celui du jury, selon ses vœux, ne fut donc qu’un « juste châtiment » (« L’affaire Zola », 25 février-4 mars) : « Zola est condamné, justement condamné comme le fut jadis le prétendu martyr qu’il essayait de sauver ! » (« Chronique », 4-11 mars).
Après avoir, à la suite, condamné l’arrêt de la Cour de cassation du procès Zola (« Chronique », 8-15 avril), s’il resta muet sur le discours de Cavaignac, la découverte du « faux Henry » ne le laissa pas insensible et fit de lui un de ces nombreux adversaires de la révision qui commencèrent à s’interroger. Dans sa « Chronique » de début septembre, il écrivit ainsi :
Il n’y a plus de considération à garder ; Dreyfus est un coupable ou un martyr ; il est l’un ou l’autre et la révision s’impose ; nous avons été dans notre âme et conscience impitoyable pour le traître de l’île du Diable, mais devant le scandale inouï d’aujourd’hui, nous nous demandons aussi avec horreur si la justice française ne s’est pas trompée et si un innocent n’expie pas là-bas au-delà des mers le crime… d’un autre » (4 septembre. Voir aussi sa « Chronique » du 11).
Les mois suivants, il ne parla plus de l’Affaire et écrivit de moins en moins dans son journal apparemment du fait de sérieuses difficultés financières. Bazin laissa alors le leader à un énigmatique « Spectator » qui traita peu la question mais suivit, pour les quelques rares articles qu’il y consacra, la même ligne révisionniste. Après plus de six mois d’absence, Bazin revint le 12 août signant un article sur le procès de Rennes ou plus exactement sur ses confrères qui défendaient l’un ou l’autre point de vue et auxquels il conseillait d’attendre le verdict (« Quelle salade ! »), verdict qu’il enregistra le mois suivant pour, tout en s’inclinant devant la vérité légale qu’il représentait, s’interroger sur son absurdité (« L’affaire Dreyfus et la presse », 16 septembre).
Bazin, pour des raisons de famille, quittera vendra son journal en novembre 1901. Nous le retrouvons ensuite, sans en savoir plus, grâce à la publication de trois volumes (Rose Harel, 1903 ; Ombres japonaises, 1904 ; Les Grandes époques normandes. La Fronde en Normandie, 1905) et en juillet 1909 comme rédacteur-en-chef du journal L’Éclaireur. Nous le perdons ensuite tout à fait.
Philippe Oriol