Bataille, Albert, Pierre, journaliste français, né à Blois (Loir-et-Cher) le 10 mars 1856*, décédé à Paris le 5 mars 1899.
Entré au Figaro à vingt ans, en 1876, il occupa les fonctions de secrétaire de de Rodays, alors chargé de la chronique judiciaire. À la mort de Villemessant, quand de Rodays devint directeur administratif du journal, Bataille hérita de la chronique judiciaire. Il entreprit alors des études de droit, obtint sa licence et se fit inscrire au barreau. Fondateur du Bureau des associations de presse, première association internationale des journalistes, président de l’Association de la presse judiciaire, il travailla à la création d’une école de journalisme, projet que sa mort prématurée l’empêcha de mener à terme.
Depuis 1880, il commença la publication d’une série, au rythme d’un volume par an, intitulée Causes criminelles et mondaines. Le volume, double, pour les années 1897-1898 – et qui sera son dernier –, est entièrement consacrée à l’Affaire dont il offre une rétrospective très bien faite de l’arrestation du capitaine à la révision du procès de 1894. Notons à propos de ces volumes que, s’ils étaient une reprise de ses articles du Figaro, ils étaient réécrits, indiquant souvent l’évolution de ses sentiments. Voici, pour un unique exemple, comment à l’origine il avait décrit Dreyfus dans son compte rendu du procès de 1894 : « C’est un homme au visage osseux, aux pommettes saillantes, au front dégarni, aux oreilles détachées, maigre, nerveux, plutôt grand, mais légèrement voûté et portant lorgnon sur un nez recourbé qui, à lui seul, est un acte de naissance. Moustache militaire, naturellement, mais que l’allure est peu franche et que le regard est fuyant » (« Le procès Dreyfus », Le Figaro, 20 décembre 1894). Ce passage, dans son volume, deviendra : « La figure osseuse, le nez juif, la lèvre estompée d’une petite moustache brune, les cheveux ras, déjà quelque peu grisonnants, la taille assez svelte bien que légèrement courbée, le regard assez dur derrière un lorgnon inamovible, le capitaine Dreyfus n’est certainement pas un sympathique » (p. 19).
S’il fut dreyfusard – dès la parade d’exécution, ainsi que le rapporte Reinach (Reinach, i, p. 286, note 2) –, il demeura toujours neutre et n’exprima guère, dans ses comptes rendus du procès de 1894, du procès Esterhazy et des procès Zola qu’il couvrit pour Le Figaro, son opinion. Il semble qu’il eût souhaité le faire mais que son directeur, Périvier, l’en empêcha (Ajalbert, Sous le sabre, p. 168). Est-ce lui qui signa la protestation en faveur de Picquart (6e liste) ?
Malade, il mourra le 5 mars 1899. Comme il l’avait dit à Cornély « dans sa dernière nuit » : « Ce serait bien vexant de mourir sans avoir vu la fin de “l’Affaire” » (« Le Bon côté des choses », Le Figaro, 15 mars 1899. Repris dans Notes sur l’affaire Dreyfus, p. 258).
Sources et bibliographie : son volume Causes criminelles et mondaines de 1897-98. L’Affaire Dreyfus. Premier volume a été publié chez Dentu en 1898. On trouvera, aux Archives de la Préfecture de Police, sous la cote Ba 950, un bien maigre dossier s’intéressant principalement à son mariage. On peut consulter son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : LH/134/45.
Philippe Oriol