Ballière, Édouard, Achille, architecte et homme politique français, né à Sannerville (Calvados) le 17 octobre 1840*, décédé à Paris le 4 novembre 1905.
Achille Ballière naquit dans une famille normande relativement aisée qui lui assura une bonne éducation, sanctionnée par un diplôme d’architecte, et ce qu’on appelle un « beau mariage » (1864). On ignore en revanche si ses sentiments républicains et anticléricaux faisaient partie de l’héritage ou s’ils furent le résultat d’un choix personnel. En 1864, il travailla à la réfection du dôme des Invalides puis revint exercer son métier à Caen où il devint vite l’un des chefs de la franc-maçonnerie locale. Mais cette existence paisible ne le satisfaisait pas et, en 1870, il retourna à Paris pour devenir acteur dans une troupe théâtrale de banlieue. Il participa également à la journée du 4 septembre, au cours de laquelle, contrairement à ses affirmations ultérieures, il ne joua aucun rôle important ; il en fut de même pendant la Commune, malgré son grade de capitaine à l’état-major de Rossel et sa participation à la manifestation des francs-maçons. Arrêté le 18 juin 1871 et déporté à Nouméa, il s’évada en compagnie de Rochefort, gagna Londres (juillet 1874) puis Bruxelles d’où il fut expulsé et s’installa finalement à Strasbourg d’où, dès 1878, il lança ses premières attaques contre Rochefort. Gracié en 1879, il s’installa à Clermont-Ferrand où il reprit son métier d’architecte et se fit élire conseiller municipal.
Une nouvelle fois, Ballière fut incapable de supporter une vie rangée. Boulangiste de la première heure, bientôt démissionnaire de la franc-maçonnerie, il devint dès juin 1888 délégué de la Ligue des patriotes pour Clermont, fut poursuivi l’année suivante pour outrages au procureur Quesnay de Beaurepaire et se fit condamner, le 30 juillet 1890, à six mois de prison. Pour les élections législatives de 1889, il accepta même d’être un candidat de diversion contre Clemenceau dans le Var, moyennant une forte somme versée par les royalistes. Également battu à Belleville aux municipales de mai 1890, il vécut quelque temps entre Clermont et la capitale, fréquentant les milieux de la gauche boulangiste (Jourde, Ernest Roche, Vaughan), puis se fixa définitivement à Paris en 1895.
L’affaire Dreyfus le ramena à la politique militante et le fit monter rapidement en grade au sein de la Ligue des patriotes, même s’il ne fut jamais un intime de Déroulède. Très antisémite (il versa avec un ami 100 francs au Monument Henry), Ballière affichait un nationalisme de gauche assez fruste, très hostile aux intellectuels (les « sociologues », comme il les appelait), et présidait l’Association française pour l’organisation du travail national, émanation socialisante et mort-née de la Ligue antisémitique. Il ne fit pourtant guère parler de lui, même si, dans le projet de coup d’État élaboré en juillet 1899, il devait commander la première des trois brigades de ligueurs chargées de marcher sur l’Élysée. Arrêté le 12 août, traduit en Haute Cour où il fit piètre figure, il fut acquitté et, après avoir vainement rêvé d’un siège au Sénat, se fit élire en mai 1900, avec le soutien discret de l’Union nationale, fort puissante dans ce quartier, conseiller municipal de Clignancourt.
Devenu un notable du nationalisme, Président d’honneur de divers cercle (tel le Cercle nationaliste de la Rive-Gauche), Ballière, aveuglé par l’ambition, s’empressa de gâcher ses atouts. Il se brouilla avec Déroulède dès 1900, multiplia les erreurs au Conseil municipal et se présenta aux législatives de 1902 dans le xviiie arrondissement contre Charles Bernard, candidat officiel des nationalistes. Désavoué par tous, y compris son propre comité, accusé de trahison et abandonné par Rochefort, il fut logiquement battu au terme d’une campagne particulièrement féroce (voir Arch. PP. Ba 217). Ne songeant qu’à se venger, il se rapprocha du pouvoir et vota dès lors contre la majorité nationaliste de l’Hôtel de ville, ce qui précipita sa perte : aux municipales de 1904, les nationalistes et l’Action libérale s’acharnèrent sur leur ancien allié et le firent battre dès le premier tour. Aigri, criblé de dettes, Ballière régla ses comptes dans un volume de souvenirs (Les Aventures du marquis de Rochefort et de l’auteur, Paris, [1904], 374 p.) qui n’est qu’un médiocre pamphlet contre Rochefort et les divers nationalistes. Deux ans plus tard, il mourut dans la misère. Lépine assista à ses obsèques civiles.
Ambitieux, instable, un peu mythomane et pas très intelligent, Ballière n’a joué qu’un rôle subalterne dans le nationalisme, avant de l’abandonner non par idéologie mais parce qu’on lui refusait une investiture électorale. Ancien communard vendu aux royalistes, anticlérical subventionné par l’abbé Garnier, élu d’opposition qui change de camp en cours de mandat pour de simples frustrations de carrière, il représente assez bien les errements politiques de certains républicains révoltés contre la République.
Sources et bibliographie : Ses interrogatoires devant la Haute-Cour et les pièces de procédure à son sujet se trouvent dans Haute Cour de justice. Affaire Buffet, Déroulède, Guérin et autres, inculpés de complot. Interrogatoires (1er fascicule) ; Pièces des procédures (2e fascicule) ; Documents III. Ligue des Patriotes (6e fascicule) ; Procédure générale (8e fascicule), Paris, imprimerie nationale, 1899, p. p. 3, 6, 21-23, 105-106 ; p. 77-78 ; p. 3 ; p. 54-55.
Bertrand Joly