Bernstein, Henri, Léon, Gustave, Charles dit Henry, auteur dramatique français, né à Paris le 20 juin 1876*, décédé à Paris le 27 novembre 1953.
Bernstein, auteur, entre autres, du Marché (1900), du Détour et de Joujou (1902), de La Rafale (1905), La Griffe (1906), Israël (1908), Secret (1913), La Galerie des glaces (1925), Mélo (1929), La Soif (1949), etc., déclara publiquement son dreyfusisme en 1902 en souscrivant au monument Zola ([6e] liste de L’Aurore). Près de trois ans plus tôt, au début de 1900, il avait tenu à témoigner son « admiration profonde » à Urbain Gohier en lui envoyant une lettre dans laquelle il se vantait d’avoir déserté pour fuir ses chefs, « faussaires et maîtres-chanteurs » (*Bernstein, le magnifique, p. 22). C’est peut-être pour échapper aux brimades, peut-être pour vivre une histoire d’amour qu’en fait il avait déserté en 1897. Mais l’Affaire avait fait de lui, « antimilitariste de circonstance », un « antimilitariste de conviction » (*ibid., p. 17).
En juin 1900, toujours interdit de séjour en France, il demanda à Antoine, qui avait mis en scène sa première pièce, Le Marché, d’intercéder en sa faveur auprès des politiques afin de lui permettre de rentrer en France. Il écrivait :
Dans le projet de la Chambre, pas un mot sur les déserteurs. On amnistie ce fumier de Mercier, et nous autres qui avons préféré ficher le camp que subir les exigences de la tyrannie de cette bande de mendiants, de maquereaux, de faussaires et de maîtres chanteurs qu’on appelle des officiers français, il ne se trouvera pas un député pour proposer qu’on nous permette de rentrer chez nous. Nous ne sommes pas intéressants. Les gens intéressants sont les culs qui se promènent avec des plumes sur le crâne et un grand sabre qui leur sert à gratter des bordereaux. Ils se mettent à cent mille pour maintenir un français au bagne, combien en faudra-t-il pour tuer un allemand ? (*Bernstein, le magnifique, p. 25).
Cet engagement, discret, connaîtra en 1911 un inattendu rebondissement. À la veille de la première d’Après moi, Léon Daudet écrit dans L’Action française : « Tout est juif là-dedans, hideusement juif […] Nourri de Zola, comme tous ses semblables, il aspire à une destruction universelle qui n’épargnerait que sa race et lui » (« À la Comédie française », 17 février). Et Daudet reproduisait à la suite la lettre que Bernstein avait adressée à Gohier, lettre que toute la presse reproduisit. Le scandale fut énorme, artistes et écrivains se mobilisèrent et une pétition circula « contre les atteintes à la liberté de représentation dont est l’objet une œuvre dramatique qui ne s’attaque ni aux convictions ni aux personnes ». Le 3 mars, Bernstein retira sa pièce. Maurras revint une dernière fois à la charge : « Bernstein est un juif tout à fait conscient ; c’est un juif d’Affaire Dreyfus » (« Droit français et devoir juif », L’Action française, 4 mars).
Sources et bibliographie : on peut consulter Georges Bernstein Gruber et Gilbert Maurin, Bernstein, le magnifique : cinquante ans de théâtre, de passions et de vie parisienne, Paris, J.C. Lattès, 1988 et Michèle Fingher, « Henry Bernstein et l’identité juive », Double jeu, 14/2017, p. 73-83. On consultera son dossier de la Légion d’honneur sous la cote : 19800035/3/389.
Sandrine Maillet