Arenberg, Auguste, Louis, Albéric, prince d’, homme politique français, né à Paris le 15 septembre 1837, décédé à Paris le 24 janvier 1924.
Aristocrate monarchiste, le prince d’Arenberg ne s’était converti que tardivement à la République. Élu député du Cher sous l’étiquette conservatrice en 1889 (il avait déjà siégé à la Chambre de 1871 à 1881), il s’était rallié sur les injonctions du pape Léon xiii, pour les élections de 1893. Grand propriétaire foncier et richissime homme d’affaires, administrateur des mines d’Anzin et d’autres sociétés, le prince d’Arenberg apparaissait comme l’une des grandes figures du lobby colonial, présidant notamment le comité de l’Afrique française (1890) et la Compagnie universelle du canal de Suez (1896).
Relativement à l’Affaire, il vota l’ordre du jour Lavertujon du 4 décembre 1897 (affirmant le respect de l’autorité de la chose jugée et rendant hommage à l’armée) ainsi que les poursuites contre Zola (ordre du jour de Mun). Au renouvellement de 1898, s’il ne fit pas allusion à l’Affaire dans sa profession de foi (Recueil Barodet 1898, p. 151), il se trouva dans l’obligation de « donner des gages aux antidreyfusards » (Goujon*, p. 762) en se déclarant lors des réunions publiques au cours desquelles il intervint. Ainsi, à Bourges, les 25 et 26 avril, il tint à rassurer son auditoire en ces termes :
C’est en termes véhéments autant qu’éloquents qu’il stigmatise les meneurs de cette campagne odieuse où, derrière la plume de Zola, on découvre la main de l’étranger, la main surtout de notre ennemie implacable, l’Allemagne, unie à celle d’une autre adversaire non moins implacable de la France, l’Angleterre.
Le but que poursuivent les meneurs est aujourd’hui bien connu ; ces hommes, qui n’ont de français que le nom, s’efforcent de jeter le discrédit sur notre armée, de la démoraliser, de faire planer le soupçon sur tous les officiers, de sorte qu’au jour de la déclaration de guerre la France se trouvera jetée, pieds et poings liés, sous la botte de l’envahisseur.
On ne saurait trop stigmatiser ceux qui se font ainsi chez nous les auxiliaires de l’étranger ; l’orateur s’honore de les avoir flétris, comme ils le méritaient, par tous les votes qu’il a été appelé à émettre à la Chambre, dans les interpellations développées à propos de cette douloureuse affaire. (Applaudissements prolongés). (« Nouvelles locales », Le Journal du Cher, 27 avril).Je ne veux pas terminer sans vous dire un mot d’une affaire qui depuis plusieurs mois passionne tous les esprits et qui fait traverser au pays une crise redoutable.
Je n’en aurais pas parlé si je n’avais eu la douleur d’entendre, dans ce département, des représentants du peuple tenir un langage odieux et jeter l’injure à ce que nous avons de plus sacré, l’armée, suprême espoir de la Patrie. ( Vifs applaudissements.)
Mon cœur se révolte ; je n’ai pas de paroles assez fortes pour exprimer mon indignation. Ah ! je voudrais que Zola et les autres misérables ou inconscients qui marchent derrière lui, puissent entendre les cris de joie de nos éternels ennemis. Derrière la frontière, on se réjouit de cette grande poussée vers la guerre civile. J’en appelle, Messieurs, à votre patriotisme. Le pays, j’en suis sûr, fera bonne justice de tous ceux qui ne craignent pas, en exploitant l’infamie d’un traître, de compromettre l’honneur et la sécurité de la France. (Applaudissements prolongés.) (« Élections législatives », L’Indépendant du Cher, 28 avril)
Si avec toute la Chambre, il vota l’affichage du discours de Cavaignac, la loi de dessaisissement, s’il s’opposa à l’affichage de l’arrêt de la cour de cassation (ordre du jour Sembat), il refusa malgré la demande de ses électeurs de rejoindre le « Groupe des douze » (« Nouvelles locales », Le Journal du Cher, 28 septembre 1898) et, contrairement à une bonne partie de la haute aristocratie, de figurer parmi les souscripteurs du monument Henry ou de rejoindre la Ligue de la patrie française. De même, cet intime du général de Galliffet, intervint à la tribune au lendemain des incidents d’Auteuil (qu’il condamna par son vote), pour se démarquer des violences royalistes : « Je ne parviendrai pas à trouver des paroles assez fortes pour blâmer les actes inqualifiables qui ont été commis hier » (5 juin 1899). Une prise de position qui lui vaudra une attaque en règle de La Libre Parole (« Une malpropreté », 7 juin). Comme le dit Bertrand Goujon, s’il s’intéressait assurément à l’Affaire, il ne voulait pas voir la question occulter toutes les autres. Partant pour l’Égypte pendant les hivers 1898 et 1899, il avait pu se réjouir « de ne pas entendre parler du tout de l’Affaire Dreyfus » puis d’être loin de « la polémique si noire des journaux » et « de ne plus entendre parler ni de Dreyfus, ni de Bismarck, ni d’antisémitisme » (Goujon*, p. 772).
Par la suite, lors du vote de l’amnistie, il préféra s’abstenir, tout en se montrant hostile à la réouverture du dossier Dreyfus (ordre du jour Chapuis du 22 mai 1900). Intégré à la famille politique libérale, il s’opposa à la politique de Waldeck-Rousseau puis au Bloc des gauches. Battu aux élections de 1902, il retourna à ses nombreuses activités mondaines, philanthropiques et financières.
Sources et bibliographie : Voir Bertrand Goujon, Les Arenberg, Paris, PUF, 2017.
Philippe Oriol