Adéodat (Jean-François Debauge dit) père, religieux et journaliste français, né à Genas (Rhône) le 21 janvier 1860*, décédé à Genas le 23 novembre 1910*.
Après des études au collège des Petits Carmes à Cahors, il enseigna la philosophie et entreprit des études de théologie au grand séminaire à Cahors. Pour lutter contre les idées républicaines, il devint journaliste au Laboureur et à La Croix du Dimanche. Cofondateur de La Croix des Marins, il collabora aussi à La Croix quotidienne où il signa « J.F.D. ». Le 24 octobre 1889, pour devenir Assomptionniste, il entra au noviciat de Livry sous le nom de Frère Adéodat et fut ordonné prêtre le 7 août 1892.
S’« occup[ant] de questions de politiques, quand [il lui] plai[sait], en vertu de [s]on droit de citoyen » (Procès des Assomptionnistes, p. 18), bien évidemment antidreyfusard, propagandiste actif, ce « religieux plein de zèle, mais primaire étroit et entêté » (Lecanuet*, p. 114), « religieux de combat » (Nobécourt*, p. 513), prit en 1896 le secrétariat du Comité Justice-Égalité et mena, en direct et par l’intermédiaire du journal du Comité, L’Œuvre électorale, une active campagne en vue des élections de mai 1898. Il écrivit ainsi aux divers comités :
Comme candidat, on en désire beaucoup de très bons, pourvu qu’ils aient des chances, sinon on peut aller à droite aux royalistes, pourvu qu’ils ne fassent pas de déclarations anticonstitutionnelles, et à gauche, jusqu’au modéré et à l’indépendant qui ne feront pas de déclaration sectaire. on accepte, mais on n’encourage pas de lancer de candidature ecclésiastique. il faudrait tâcher de grouper tous les hommes de bonne volonté sur le terrain du patriotisme contre la coalition juive et antipatriotique ! (Procès des Assomptionnistes, p. 105).
Sous son pseudonyme d’« Un petit laboureur », il donna peu d’articles sur l’Affaire dans La Croix mais le peu qu’il donna fut pour le moins explicite : dans le numéro des 9-10 janvier 1898, s’insurgeant après la publication de l’acte d’accusation de d’Ormescheville, par Le Siècle et par Bernard Lazare dans Comment on condamne un innocent, il dit la « Mesure comble » :
Les patriotes disent et redisent que la France est un pays conquis ;
Conquis par les juifs et tous les sectaires leurs valets.
Cette vérité éclate aujourd’hui au grand jour, grâce à l’audace du Syndicat Dreyfus.
Voilà des gens qui surchauffent l’opinion et qui tentent de l’égarer par tous les moyens, même par le vol de documents officiels les plus secrets ; non seulement ils volent ces documents, mais ils s’en vantent, et ils les répandent par milliers et millions dans le pays.
Et ils continuent à jouir du grand air et à mener grand train.
Ils bravent impunément l’opinion.
Ils ont pour eux une clientèle de journaux besogneux et avides.
Tout cela finira mal pour eux.
Ces derniers jours, à la Chambre, nombre de députés avaient envie d’expulser à coups de bottes les membres du Syndicat.
Si la police et le gouvernement reste impuissants, les citoyens écœurés devront eux-mêmes rendre la justice.
Et de demander, quelques jours plus tard, de « châtier les coupables » (« Les coupables », 13 janvier) et, en juillet, de donner aux « députés patriotes » le conseil suivant : « les catholiques se sont montrés admirables d’union et de fermeté dans l’affaire Dreyfus ; c’est sur eux qu[’ils] doivent compter » (« Encore le Syndicat », 7 juillet). Il souscrira aussi (par le versement collectif de La Croix et de « Justice-Égalité ») au monument Henry.
En janvier 1900, il fut un des douze inculpés et condamnés du procès des Assomptionnistes. Il se retira en 1902 dans sa ville natale.
Sources et bibliographie : il faudrait consulter, dans les archives des Assomptionnistes à Rome, ses nombreuses lettres qui y sont conservées. Nous savons aussi qu’il a laissé plusieurs manuscrits qui mériteraient d’être vus : « Le mouvement catholique en France », « L’action des catholiques dans la politique française » et plusieurs autres sur la question sociale en France et les situations électoralo-politiques de la fin du siècle. Sur lui, on pourra lire la notice qui lui est consacrée sur www.assomption.org et, pour une rapide présentation de son rôle dans le cadre des élections de 1898, Oriol, p. 709-710. Les références complètes du Procès des Assomptionnistes sont : Paris, Société nouvelle de librairie et d’édition, 1900. Les références complètes données en abrégé sont : R.P. Lecanuet, Les Signes avant-coureurs de la Séparation, Paris, librairie Félix Alcan, 1930 et Jacques Nobécourt, « Une affaire La Roque » en 1899. Avant le P.S.F., Jutice-Égalité ? », RHMC, 47-3, 2000, p. 505-524.
Philippe Oriol