Ernest Barillier

Barillier, Ernest, Henry, patron boucher et homme politique français, né à Noisiel (Seine-et-Marne) le 30 avril 1859*, décédé à Paris le 27 septembre 1910.

Ernest Barillier ne fut longtemps qu’un commerçant aisé du IXe arrondissement, propriétaire d’une importante boucherie au bas de la rue des Martyrs et membre discret de la Ligue des patriotes pendant la période boulangiste. C’est l’affaire Dreyfus qui l’amena à la politique active, ainsi qu’un antisémitisme virulent et fréquent, semble-t-il, dans les milieux des abattoirs parisiens (il ne paraît cependant pas avoir souscrit au monument Henry). On ignore comment et pourquoi il devint le familier et le garde du corps de Déroulède, ainsi qu’un cadre élevé de la Ligue des patriotes, car son nom n’apparaît jamais dans les annales du mouvement avant 1898. Mais, peu doué pour les débats d’idées, il ne craignait pas les bagarres, avait un vrai courage physique et inspirait confiance au chef par sa totale loyauté ; c’était aussi un orateur, sans éloquence mais apprécié pour sa violence tonitruante et ses injures. Le seul point de désaccord entre Déroulède et lui fut l’antisémitisme, Barillier poussant activement à l’entente avec Jules Guérin dont le député de la Charente se méfiait et réprouvait les idées.
De 1899 à 1902, Barillier, qui se vantait d’être toujours armé, participa à toutes les batailles musclées de l’antidreyfusisme, dans la rue et les meetings, et, dans son dernier projet de coup d’État, Déroulède lui avait attribué le commandement d’une des trois brigades de ligueurs devant marcher sur l’Élysée. Cela lui valut d’être arrêté le 12 août 1899 avec les autres cadres de la Ligue et déféré en Haute-Cour où il fut finalement acquitté, épisode qu’il a raconté dans quelques articles médiocres parus dans Le Drapeau en octobre 1901. Flanqué d’une sorte de milice composée des employés de sa boucherie, le nouvel acquitté commença aussitôt, sous le patronage de la Ligue de la patrie française (aux réunions et aux banquets de la quelle il assistera désormais régulièrement), une campagne énergique dans le IXe arrondissement et, le 6 mai 1900, fut élu conseiller municipal du quartier Rochechouart, à la faveur de la vague nationaliste qui enleva Paris. Il ne joua cependant aucun rôle à l’Hôtel de ville. 
En l’absence de Déroulède condamné à l’exil, Barillier tenta vainement de disputer la direction de la Ligue des patriotes à son ennemi Henri Galli mais dut se contenter des fonctions de commissaire général, c’est-à-dire de chef du service d’ordre, ce qu’il prit assez mal. Peut-être put-il se consoler avec les dix-huit mille francs dont lui avait fait cadeau Déroulède, excédent de la souscription ouverte pour offrir une statue à « l’exilé » (lettre de Déroulède du 3 février 1900 publiée dans L’Écho de Paris du 13 ; et réponse de Barillier dans le numéro du lendemain). Il fit encore parler de lui pendant la grande campagne de propagande nationaliste en 1901, surtout lorsque, emporté par son élan oratoire, il traita le président Loubet de « cornichon ramolli » (Fécamp, 3 octobre 1901), ce qui lui valut deux condamnations successives, finalement annulées en cassation. Aux élections de 1902, candidat du Comité national antijuif, il se présenta sans illusion dans le XIXe arrondissement, fut battu par le radical Charles Bos au second tour (4306 voix contre 3247) et dès lors se désintéressa de la politique (même s’il fut du comité exécutif de la toute la toute nouvelle Fédération nationale antijuive) et de la Ligue pour mener joyeuse vie avec des demi-mondaines. Réélu contre toute attente aux municipales de 1904 et de 1908, il suivit l’évolution de plus en plus modérée de la Ligue des patriotes et mourut subitement en 1910.
Barillier a incarné un antidreyfusisme épidermique et brutal, plus proche des mouvements antisémites que de la Ligue des patriotes où le retint seule sa fidélité sans faille à Déroulède.

Sources et bibliographie : on pourra consulter aux Archives de la PP, les affiches de sa campagne de 1902 sous la cote Ba 218. Ses interrogatoires devant la Haute-Cour se trouvent dans Haute Cour de justice. Affaire Buffet, Déroulède, Guérin et autres, inculpés de complot. Interrogatoires, Paris, imprimerie nationale, 1899, p. 5-6, 26-27, 103-105.

Bertrand Joly

BHdV

 

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